a sous la main, dans son magasin d'accessoires, l'outre d'Eole et le
foudre de Jupiter; mais, pour peu qu'il ait conscience des conditions
particulieres de son art, il se gardera bien d'abuser de pareils effets.
Outre qu'il serait absurde de couvrir la voix de l'acteur, il sait qu'il
ne produira d'illusion que pendant un temps relativement court, a la
condition qu'il ne fera que determiner chez le spectateur une sensation
rapide, destinee a s'associer a l'action, et qu'il ne detournera pas
l'attention de celui-ci sur ses imitations approximatives des phenomenes
de la nature. Quand bien meme d'ailleurs celles-ci seraient parfaites,
leur persistance forcerait l'esprit du spectateur a une coordination
tout a fait contradictoire, l'immobilite de l'air et de la nature peinte
s'associant fort mal au grondement perpetuel de la foudre et au
bruit ininterrompu du vent. Il est toujours maladroit de rappeler
au spectateur, quand le pathetique du drame le lui fait oublier, la
contradiction et l'impuissance de la mise en scene. Tout est faux dans
la nature peinte qui enveloppe les acteurs; il est donc inutile de faire
ressortir ce defaut inherent aux representations theatrales, tandis que
tout est vrai, absolument vrai, ou doit le paraitre, dans les passions
qui animent les personnages du drame.
La mise en scene doit donc respecter la verite dramatique, la laisser se
produire dans toute son integrite et ne pas maladroitement detruire le
courant sympathique qui va de l'ame du spectateur a ceux des personnages
du drame. L'art du metteur en scene demande beaucoup plus de precaution
que d'audace. Il doit mettre tous ses soins a ne diriger sur les yeux
attentifs des spectateurs que des faisceaux d'impressions visuelles
necessaires, et surtout a eteindre ou a attenuer les rayons trop
brillants. Par cette harmonie, dans laquelle il maintient tout
l'appareil objectif de la scene, il se rapproche du peintre qui
n'obtient un effet reellement puissant qu'en sachant se decider a une
foule de sacrifices necessaires.
CHAPITRE XII
La mise en scene est conditionnee par la logique de l'esprit.--De la
decoration peinte et du materiel figuratif.--Leurs relations avec le
drame.--Leur action differente sur l'esprit du spectateur.
En peinture, l'art de la composition est en grande partie fonde sur
l'association des idees et sur la logique de l'esprit. Socrate, assis
sur un lit, s'entretient avec ses disciples; tout en parlant, il tend la
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