emettre les pieds.
Au gout pour les femmes il joint celui des jeunes garcons. Il a trois cents
des premieres et une trentaine des autres; mais il se plait devantage avec
ceux-ci. Quand ils sont grands il les recompense par de riches dons et des
seigneuries: il y en a un auquel il a donne en mariage l'une de ses soeurs,
avec vingt-cinq mille ducats de revenu.
Certains personnes font monter son tresor a un demi-million de ducats,
d'autres a un million. Il en a en outre un second, qui consiste en
esclaves, en vaisselle, et principalement en joyaux pour ses femmes. Ce
dernier article est estime seul un million d'or. Moi, je suis convaincu que
s'il tenoit sa main fermee pendant un an, et qu'il s'abstint de donner
ainsi a l'aveugle, il epargneroit un million de ducats sans faire tort a
personne.
De temps en temps il fait de grands exemples de justice bien remarquables;
ce qui lui procure d'etre parfaitement obei tant dans son interieur
qu'au-dehors. D'ailleurs il sait maintenir son pays dans un excellent etat
de defense, et il n'emploie vis-a-vis de ses sujets Turcs ni taille ni
aucun genre d'extorsion. [Footnote: Ceci est une satire indirecte des
gouvernemens d'Europe, ou chaque jour les rois, et meme les seigneurs
particuliers, vexoient ce qu'ils appeloient leurs hommes ou leurs sujets
par des tailles arbitraires et des milliers d'impots dont les noms etoient
aussi bizarres que l'assiette et la perception en etoient abusives.]
Sa maison est composee de cinq mille personnes tant a pied qu'a cheval;
mais a l'armee il n'augmente en rien leurs gages: de sorte qu'en guerre il
ne depense pas plus qu'en paix.
Ses principaux officiers sont trois baschas ou visiers-bachas
(visirs-bachas.) Le visir est un conseiller; le bacha, une sorte de chef ou
ordonnateur. Ces trois personnages sont charges de tout ce qui concerne sa
personne ou sa maison, et on ne peut lui parler que par leur entremise.
Quand il est en Grece, c'est le seigneur de Grece (le gouverneur) qui a
l'inspection sur les gens de guerre; quand il est en Turquie, c'est le
seigneur de Turquie.
Il a donne de grandes seigneuries; mais il peut les retirer a son gre.
D'ailleurs ceux auxquels il les accorde sont tenus de le servir en guerre
avec un certain nombre de troupes a leurs frais. C'est ainsi que, tous les
ans, ceux de Grece lui fournissent trente mille hommes qu'il peut employer
et conduire par-tout ou bon lui semble; et ceux de Turquie dix mille,
auxquels il
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