d'orgueil, tandis que Pittonaccio tournait autour de lui.
L'acte de mariage devait se signer a minuit. Gerande, presque inanimee,
ne voyait et n'entendait plus. Le silence n'etait interrompu que par les
paroles du vieillard et les ricanements de Pittonaccio.
Onze heures sonnerent. Maitre Zacharius tressaillit, et d'une voix
eclatante lut ce blaspheme:
_L'homme doit etre l'esclave de la science, et pour elle sacrifier
parents et famille._
"Oui, s'ecria-t-il, il n'y a que la science en ce monde!"
Les aiguilles serpentaient sur ce cadran de fer avec des sifflements de
vipere, et le mouvement de l'horloge battait a coups precipites.
Maitre Zacharius ne parlait plus! Il etait tombe a terre, il ralait, et
de sa poitrine oppressee il ne sortait que ces paroles entrecoupees:
"La vie! la science!"
Cette scene avait alors deux nouveaux temoins: l'ermite et Aubert.
Maitre Zacharius etait couche sur le sol. Gerande, pres de lui, plus
morte que vive, priait....
Soudain, on entendit le bruit sec qui precede la sonnerie des heures.
Maitre Zacharius se redressa.
"Minuit," s'ecria-t-il.
L'ermite etendit la main vers la vieille horloge ... et minuit ne sonna
pas.
Maitre Zacharius poussa alors un cri qui dut etre entendu de l'enfer,
lorsque ces mots apparurent:
_Qui tentera de se faire l'egal de Dieu sera damne pour l'eternite!_
La vieille horloge eclata avec un bruit de foudre, et le ressort,
s'echappant, sauta a travers la salle avec mille contorsions
fantastiques. Le vieillard se releva, courut apres, cherchant en vain a
le saisir et s'ecriant:
"Mon ame! mon ame!"
Le ressort bondissait devant lui, d'un cote, de l'autre, sans qu'il
parvint a l'atteindre!
Enfin Pittonaccio le saisit, et, proferant un horrible blaspheme, il
s'engloutit sous terre.
Maitre Zacharius tomba a la renverse. Il etait mort.
* * * * *
Le corps de l'horloger fut inhume au milieu des pics d'Andernatt. Puis,
Aubert et Gerande revinrent a Geneve, et, pendant les longues annees que
Dieu leur accorda, ils s'efforcerent de racheter par la priere l'ame du
reprouve de la science.
[Illustration]
UN
DRAME DANS LES AIRS
[Illustration]
Au mois de septembre 185., j'arrivais a Francfort-sur-le-Mein. Mon
passage dans les principales villes d'Allemagne avait ete brillamment
marque par des ascensions aerostatiques; mais, jusqu'a ce jour, aucun
habitant de la Confederation ne m'avait
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