sens-tu?
--Heu!... Bien mal, mon oncle.
--Courage... On te soignera, on te dorlotera, tu gueriras.
--Ainsi, vous ne voulez pas me tuer?
--Pourquoi te tuerais-je? imbecile! Monseigneur te fait grace. Et, non
seulement il te fait grace de la vie, mais encore il veut faire ta
fortune.
--Ma fortune? balbutia Gillot.
--Oui, imbecile! A condition que tu lui obeisses pour lui faire oublier
ta honteuse trahison.
--Ah! mon oncle, je m'en repens bien, je vous jure.
--Tant mieux, car, si tu es sincere, tu es en passe de devenir un homme
riche.
On se souvient sans doute que l'avarice etait le vice favori de maitre
Gillot, et que c'etait meme ce vice qui l'avait perdu.
--Parlez, mon digne oncle, dit-il d'une voix tremblante d'emotion. Je
suis tout pret a obeir. Qu'ordonne monseigneur?
--D'abord, de te guerir!
Et, soutenant son neveu par-dessous le bras, Gilles le conduisit dans sa
chambre, le fit coucher dans son propre lit et commenca a lui donner les
soins les plus devoues.
A peine fut-il dans le lit qu'une fievre violente se declara.
Gillot eut le delire pendant deux jours, c'est-a-dire qu'il passa ces
deux jours a supplier son oncle de lui rendre ses oreilles.
Gilles, impatiente, finit par le menacer du baillon. Au bout du sixieme
jour, la fievre etait tombee; au bout du dixieme, les blessures etaient
cicatrisees et Gillot pouvait se lever.
Le quinzieme jour, Gillot put sortir.
Son premier soin fut de courir acheter un certain nombre de bonnets,
capables de lui couvrir entierement la tete, du front a la nuque.
Sur ce bonnet, il placait son chapeau ordinaire.
En se regardant dans un miroir, il trouva qu'il pouvait encore faire
assez bonne figure.
Ce jour-la, Gillot eut avec son oncle une tres longue conversation.
A la suite de cette conversation, il s'habilla de ses habits du
dimanche, et Gilles lui dit:
--Va, maintenant, va, je te donne ma benediction...
--J'aimerais mieux quelques ecus d'acompte, dit Gillot.
Gilles fit la grimace, mais s'executa.
--Reussiras-tu a entrer seulement? demanda-t-il d'un air offensant pour
les capacites intellectuelles de son neveu.
--J'en reponds, dit Gillot: j'ai un moyen infaillible.
--Lequel?
--Mes oreilles!
La-dessus, laissant son oncle abasourdi mediter cette reponse, le matois
Gillot s'eloigna.
Nos lecteurs ont vu comment Gillot etait entre a l'hotel Montmorency.
Il avait rencontre le vieux Pardaillan dans la loge du suisse.
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