voila tout. Mais continuez, cher ami...
--Oui... laissons de cote les soupcons.
--Ah! vous avez dit enfin le mot! Vous aussi, vous soupconnez...
--Quoi? balbutia le comte.
--Un crime!...
Marillac palit. Son regard se detourna de Pardaillan.
--Eh bien, oui, dit-il enfin; je crois a un crime! La reine de Navarre
avait des ennemis acharnes; plus d'une fois, elle a failli succomber.
Peut-etre, un de ces ennemis... un de ces hommes qui ne reculent pas
devant le forfait... je donnerais ma vie pour le connaitre, celui-la...
Marillac passa la main sur son front. Et, comme le chevalier gardait le
silence, il continua:
--Mais peut-etre, apres tout, n'est-ce qu'un soupcon sans valeur.
--Peut-etre! fit le chevalier. Vous disiez donc que le medecin du roi se
retira.
--Et aussi nous tous, reprit Marillac, avec un empressement febrile. Le
roi Henri demeura seul pres de sa mere. Pendant trois longues heures,
nous attendimes dans la piece voisine. Enfin, l'aube entra dans cette
salle ou nos douleurs silencieuses etaient rassemblees, et fit palir les
flambeaux. Ce fut a ce moment que le roi Henri sortit de la chambre
de sa mere... Que lui avait-elle dit? Quelles furent ses supremes
confidences? Qui sait?... Oui, qui sait si l'etrange hallucination qui
s'empara de moi ne fut pas une verite?... Car, comme je me trouvais pres
de la porte, il me sembla, un moment, saisir quelques lambeaux de la
parole royale et funebre... "Je meurs assassinee, disait la voix rauque
de la mourante, mais je vous ordonne de l'ignorer... feignez de croire a
une mort naturelle... ou, sans cela... vous seriez frappe a votre tour.
Mais prenez bien garde, mon fils... Ah! oui, gardez-vous!..." Ces
paroles, quand j'y pense, furent sans aucun doute une imagination de
mon esprit ebranle... Le roi Henri reparut a nos yeux et nous fit signe
d'entrer.
Marillac etouffa un sanglot et deux larmes, qu'il ne songea pas a
essuyer, coulerent de ses yeux.
--Nous entrames donc, poursuivit-il. Quand je vis cette genereuse reine,
cette guerriere qui avait etonne nos vieux generaux, quand je vis cette
mere admirable qui avait abandonne la vie paisible de son palais pour
se jeter dans la vie des camps, qui avait vendu jusqu'a son dernier
diamant, pour payer les soldats de son fils, quand je vis celle qui
m'avait tire du neant, arrache a la mort, oui, quand je la vis livide,
il me sembla que j'allais mourir moi-meme et je demeurai comme stupide,
dans un anea
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