--Eh bien, mon oncle, je suis dans la place S"
Gilles regarda son neveu avec une certaine admiration. Puis il alla
chercher une feuille de papier, une plume, de l'encre, installa Gillot
devant une table et lui dit:
--Explique...
Et Gillot expliqua. C'est-a-dire qu'il commenca par tracer un plan de
l'hotel Montmorency qui, tout grossier qu'il etait, n'en devait pas etre
moins precieux.
--La, a gauche, mon oncle, voyez-vous, c'est un grand batiment pour les
hommes d'armes et les chevaux.
--Combien d'hommes?
--Vingt-cinq, mon oncle, armes de bonnes arquebuses.
--Bon. Continue...
--Voyez, mon oncle, ce batiment est place en arriere de la loge du
suisse... en face la loge, ce carre que je dessine represente un autre
batiment, pareil a celui des gens d'armes.
--Et que contient-il?
--Il sert de logis a une dizaine de gentilshommes devoues au marechal.
--Vingt-cinq et dix, cela fait trente-cinq hommes.
--Justement; mais ce n'est pas tout; et meme cela n'est rien...
--Comment, il y aurait donc une autre garnison?
--Il y a M. le chevalier et son pere... le coupeur de langues! dit
Gillot en fremissant.
--Que veux-tu dire, imbecile?
--Rien, mon oncle, sinon que les deux damnes Pardaillan valent peut-etre
a eux seuls les vingt-cinq gens d'armes et les dix gentilshommes.
--C'est possible. Et ou sont-ils loges, ces deux enrages?
--Attendez, mon oncle. Le deuxieme etage du batiment aux gentilshommes
est occupe par les laquais, au nombre d'une quinzaine. Bon. Maintenant,
vous voyez que le batiment des ecuries et gens d'armes et le batiment
des gentilshommes sont separes par ce carre qui represente une cour
pavee. Au fond de ce carre, se dresse l'hotel lui-meme, c'est-a-dire
l'habitation du marechal. Vous voyez que ce logis ne touche pas aux deux
autres constructions, en sorte que l'hotel est completement isole. En
arriere, il y a un jardin.
--Je vois. Parle-moi donc de ce logis isole.
--C'est la, je vous dis, qu'habite le marechal; c'est la, dans des
appartements ayant vue sur le jardin, que logent les deux dames; c'est
la, aussi, que sont loges les deux Pardaillan.
Le marechal de Damville connaissait parfaitement l'hotel de Montmorency.
Le plan de Gillot ne devait donc pas lui servir; mais, ce plan indiquait
comment etaient disposees les forces de l'hotel, et cela pouvait lui
etre precieux.
L'oncle Gilles ne marchanda pas les eloges a son neveu, mais il ajouta:
--Il faut maintena
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