ne sait rien?" songea la reine.
Maurevert, maintenant, s'etait repris. Son visage etait redevenu
impenetrable.
--Monsieur, dit tout a coup la reine, vous avez rendu plus d'un service,
et vous en rendrez d'autres sans doute.
--Ma vie appartient a Votre Majeste! qu'elle en dispose!
--Je vous pardonne, dit Catherine. Quant au duc de Guise, s'il veut etre
capitaine general, il le sera. J'aime les emportements de sa foi. Elle
va jusqu'a le faire conspirer pour.. imposer au roi ses volontes. Je
pense comme lui. Et, pour l'aider a convaincre le roi, je fais venir a
Paris une armee complete. Alors nous verrons. Quant a vous...
Elle le fixa de son regard aigu.
Maurevert soutint l'examen avec le courage supreme du desespoir.
--Quant a vous, continua Catherine en tracant quelques mots sur un
parchemin, voici ce que je puis faire pour vous.
Maurevert essayait ardemment de lire de loin.
"L'ordre de m'envoyer a la Bastille?" songeait-il.
La reine lui tendit le papier: c'etait un bon de cinquante mille livres
sur la cassette de la reine mere.
Un fremissement de joie secoua Maurevert qui s'inclina avec respect,
mais sans exageration.
"Decidement, il ne sait rien, pensa Catherine qui avait suivi
attentivement l'effet de sa generosite... L'heure approche,
continua-t-elle; vous allez, mon cher monsieur, aller vous poster chez
le chanoine Villemur, avec votre ami, cet ami dont vous me parliez.
--Mais, madame, fit Maurevert, cet ami est deja paye, deja a son poste.
Et les cinquante mille livres que Votre Majeste veut bien m'octroyer...
--Sont pour vous dedommager d'un injuste soupcon, fit Catherine avec son
plus charmant sourire, et aussi pour vous recompenser des nouvelles
que vous m'apportez. Deux heretiques ont ete arretes grace a votre
intervention; oui, je sais deja cela... Qu'avez-vous fait de ces deux
hommes?
--J'ai rendu la liberte a l'un d'eux...
Une expression de surprise et d'inquietude se peignit sur le visage de
la reine.
--Celui a qui j'ai rendu la liberte, continua Maurevert, celui que je
crois bien avoir sauve des mains de la foule furieuse, c'est un huguenot
d'importance... Mais j'ai cru remarquer que Votre Majeste le tenait en
estime... C'est celui qu'on appelle le comte de Marillac.
La reine n'eut pas un tressaillement. Elle demeura souriante, presque
indifferente. Mais Maurevert eut fremi d'epouvante s'il avait pu
entendre le rugissement du coeur de cette mere. Sans la moindre emot
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