ingrat!..."
A ce moment, cent bras s'abattirent sur le chevalier; son epee fut
brisee; en un instant, ses vetements en lambeaux; le chevalier voulut
saisir sa dague: Maurevert l'enleva.
Alors, on vit un spectacle inoui.
Desarme, sanglant, le chevalier avait sur lui une masse humaine qui
s'efforcait de l'ecraser.
Et cette masse, il la soulevait, la secouait, la dispersait d'un
formidable roulis des epaules; elle se reformait, l'accablait; il
l'entrainait, roulait avec elle, se relevait, mordant, frappant de ses
deux poings comme de deux beliers; des gens ensanglantes tombaient
autour de lui; des hurlements effroyables, tout autour, eclataient dans
la foule, tandis que le groupe frenetique attache a lui luttait dans un
silence farouche.
Presque assomme, du sang plein le visage et la bouche, Pardaillan,
formidable, secouait la grappe humaine, comme le sanglier, enfin coiffe,
peut secouer la meute.
Il soufflait d'un souffle rauque et bref.
Un brouillard flottait devant ses yeux. Il ne songeait plus a rien... a
rien qu'a atteindre Maurevert qui, a dix pas, commandait la manoeuvre, a
le saisir, a l'etrangler avant de mourir.
Une clameur plus terrible retentit soudain:
Le chevalier venait de tomber une derniere fois et ne se relevait plus:
a chacune de ses jambes, a chacun de ses bras, a sa poitrine, deux
hommes, trois, quatre, toute une foule pesait.
"Des cordes!" vocifera alors Maurevert.
Quelques secondes plus tard, Pardaillan, solidement lie, etait emporte
dans le couvent; sur la chaussee, une dizaine de blesses etanchaient
leur sang.
Et la foule, saisissant Lubin, le soulevait, le portait en triomphe et
l'acclamait. C'etait le saint qui avait arrete l'heretique! C'etait le
saint qui, rien qu'en l'enlacant de ses bras, lui avait ote sa force!
Maurevert etait entre dans le couvent et avait eu une assez longue
conference avec le prieur. A la suite de cette conference, il s'etait
fait conduire dans la cellule ou le comte de Marillac avait ete enferme.
Il portait sous son bras l'epee du comte.
--Monsieur, dit-il en entrant, vous etes libre, voici votre epee.
Marillac ne temoigna ni joie ni surprise. Il saisit froidement la lame
qu'on lui tendait et la remit au fourreau.
--Monsieur de Maurevert, dit-il, j'espere que nous nous retrouverons,
dans des conditions meilleures, c'est-a-dire a un moment ou vous n'aurez
pas pris la precaution de vous entourer de vingt spadassins pour
attaquer deux ho
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