Le pretre? Ah! oui... Eh bien, tenez, je l'ai trouve... un saint
homme... c'est le reverend Panigarola qui vous unira... L'eglise?... ce
sera Saint-Germain-l'Auxerrois...
--Le jour? demanda le comte reellement enivre.
--Le jour?... Prenons le lendemain du mariage de ma fille Marguerite...
--L'heure?
--La meilleure: minuit! Allez, et puissiez-vous etre heureux!
--Je le suis au-dela de toute expression, dit le comte en couvrant de
baisers la main que lui avait tendue la reine.
--Un dernier mot, reprit celle-ci. Laissez-moi la joie d'annoncer a
Alice son mariage; je dois une repara tion a cette pauvre enfant que
j'ai rudoyee jadis plus qu'il ne convenait...
--Je vous obeirai, madame.
Et leger, souleve par cette force de joie qui transporte les vrais
amoureux, le comte s'eloigna, l'ame ravie, pour courir d'abord faire
part de son bonheur a la reine de Navarre, et ensuite pour courir
demander pardon a Alice.
A peine fut-il parti que la reine sortit de son oratoire, traversa son
cabinet de travail et parvint a une piece eloignee. La, une jeune
femme attendait dans la demi-obscurite de la piece ou brulait un seul
flambeau.
Cette femme, c'etait Alice de Lux.
La reine alla a elle, lui prit la main et, la regardant jusqu'au fond de
l'ame:
--Tu as entendu?
--Non, Majeste! dit Alice.
--Tu m'etonnes, fit la reine. Tu n'es donc plus toi-meme!... Eh bien,
ecoute: il sort de mon oratoire; il t'aime plus ardemment que jamais;
vous devez vous marier bientot; ne lui demande ni le jour ni l'heure, ni
le nom du pretre; je t'instruirai de ces details en temps voulu. Sache
seulement que tu n'es pas la fille du comte de Lux, mais seulement une
enfant qu'il a recueillie et dont on ne connait ni le pere ni la mere.
C'est la le secret que tu avais confie a Jeanne d'Albret et qui te
faisait trembler devant lui. Me comprends-tu?
--Oui, madame, dit faiblement Alice.
--Donc, a partir de ce jour, tu es heureuse. Plus de contrainte. Plus
rien qui te gene, puisque je suis seule a savoir...
--Et la reine de Navarre! murmura sourdement Alice.
--Ne t'en inquiete plus! repondit Catherine, d'une voix etrange. Donc,
tu vas l'epouser, et vous partirez loin, ou vous voudrez, et tu seras
heureuse a jamais... tout cela a condition que tu m'obeisses jusqu'au
bout... A la moindre hesitation de ta part, je te brise... et je le tue!
--J'obeirai, madame, dit Alice.
--Va, ma fille. Et rappelle-toi que je veux son bonheur et
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