pece de faveur dont il jouit encore, et je me suis
assure que ce triste resultat provient, en grande partie, de ce qu'on
attribue a l'abolition de la Traite la detresse actuelle de nos colonies
occidentales, et de ce que l'on suppose que nous pressons la France
d'adopter une marche qui a ete fatale a nos etablissemens d'outre-mer,
dans le but d'etouffer son commerce et d'arreter les progres de sa
prosperite. Mais ceux qui accueillent cette calomnie ignorent, ou du moins
ils oublient que, lors meme qu'aucun sentiment de morale ne nous
empecherait d'adopter un si abominable systeme, les principes seuls de
l'economie politique suffiraient pour nous en detourner. Et en effet,
graces en soient rendues a l'Eternel, on a reconnu l'absurdite de la
doctrine autrefois recue, qu'une nation pour etre puissante doive
appauvrir et rabaisser les peuples qui l'environnent: doctrine impie, qui
Accuserait l'Ordonnateur Supreme de toutes choses d'avoir fonde le
bien-etre temporel des nations sur la mechancete et l'egoisme, et non sur
la liberte, la paix et l'affection mutuelle. Non, certes, nous le savons
aujourd'hui, un pays n'a pas de plus sure maniere d'accroitre sa
prosperite, que de favoriser les progres de ses voisins; et chaque membre
de la grande famille est interesse au bien-etre et au bonheur de tous.
Mais l'hypothese que la detresse actuelle de nos colonies provienne de
l'abolition de la Traite, peut avoir de si dangereuses consequences, que
je me crois oblige d'en demontrer la faussete; je vais plus loin,
j'affirme qu'il eut mieux valu pour nos anciennes colonies que la Traite
eut ete abolie beaucoup plus tot. La detresse qui se fait sentir dans les
Indes occidentales remonte a plus de vingt annees, et je n'ai pas besoin
de rappeler a la Chambre que l'abolition de la Traite ne date que de
quinze ans. A moins donc que l'effet ne precede la cause, il est evident
que la detresse des colonies n'est point imputable a l'abolition de ce
trafic. A l'appui de mon assertion sur l'epoque a laquelle remonte cet
etat de souffrance de nos colonies occidentales, je lirai l'extrait d'un
Rapport sur la Jamaique, imprime par ordre de la Chambre au mois de
Fevrier, 1805.
"Tous les negocians anglais qui ont des hypotheques sur les plantations,
forment des demandes en expropriation forcee; et neanmoins quand ils ont
obtenu un jugement, ils hesitent a le faire executer, parce qu'ils
seraient obliges de devenir eux-memes proprietaires, et qu'ils s
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