s etendues prairiales, parmi les jeunes peuplades pressees
de fixer leurs soudaines institutions et d'imposer leurs droits
essentiellement litigieux de premiers occupants, ce meme systeme de
hative repression rencontre d'obstines defenseurs.
D'apres ces derniers, le lynch repand, en l'absence de police effective,
une utile terreur: il annule les chances d'impunite que laisse aux
scelerats l'hesitante jurisprudence des tribunaux imparfaitement
etablis; il oppose, enfin, un etat de guerre perpetuel a la tourbe
d'aventuriers et d'ecumeurs, toujours prete a s'abattre sur le berceau
des naissantes republiques.
Incidemment, les memes apologistes font valoir l'impression moralisante
de ces fougueuses vindictes de l'emportement populaire. C'est un sublime
effet de l'instinct social, pretendent-ils, que cette subite entente des
masses pour la defense de l'interet commun.
C'est un merveilleux spectacle, arguent-ils encore, que de voir, a
la premiere nouvelle d'un forfait, l'humaine cohue soulevee comme un
brusque coup de mer dans le vent de la fureur:
Vol, viol ou tuerie, l'auteur du crime est detenu, l'enquete s'ouvre,
le verdict se prepare... Allons donc! formalites vaines en ces terres
vierges! Le mot d'ordre se repand comme une flamme: les hommes, les
citoyens, les clubs de conjures, les bataillons de vengeurs, des
phalanges de viragos, en armes, a pied, a cheval, accourent de tous les
horizons. C'est la nuit, la nuit tragique des areopages hors la loi.
Le rendez-vous est devant la geole. On extirpe le captif des mains
saignantes des sbires, et, d'arrache-pied, on l'accroche, muet, morbide,
cauchemarde, ralant, au reverbere du prochain coin de rue, aux branches
du premier arbre de la route. Justice est faite. La foule qui n'est que
hate et silence s'efface, anonyme. Le cadavre, dans son suaire d'ombre,
s'etire seul, noir, maigre, tres long...
* * * * *
Certes, le fait divers ouvre, ici, les larges ailes du drame et le gout
du pittoresque trouve pature a ces rudes episodes.
Mais les adversaires eclaires du lynch opposent de solides raisons a ces
considerations de pure esthetique yankee. Ils representent notamment que
l'importateur de ce regime penal vers la fin du XVIIe siecle, M. John
Lynch lui-meme, le rigide magistrat irlandais, ne requerait de telles
mesures d'exception qu'en des circonstances bien precises de flagrant
delit, tandis que ses imitateurs actuels pretextent trop sou
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