, il mit
son chapeau, et d'un seul geste, qui m'engageait a mettre aussi le
mien, il m'indiqua que des affaires serieuses le forcaient a sortir
sur-le-champ.
Nous quittames, en effet, le Yankee-Doodle-Hotel et nous suivimes, dans
les rues, le courant de la multitude. Pratt voltigeait d'un trottoir
a l'autre, rapide et distrait, ayant aux levres le sourire que je lui
surprenais autrefois lorsqu'il machinait quelque prestige inedit. C'est
tout au plus s'il m'adressait par-ci par-la quelques phrases en l'air.
Il s'excusait d'etre si peu communicatif: La saison foraine s'etait
terminee la veille; il devait regler le demenagement de son theatre,
rude besogne, compliquee de mille details! Vite, marchons, marchons! Et
j'emboitais le pas, fort humilie de le voir aux prises avec le tumulte
de ses idees, tandis que la deception mettait comme une sorte de vide
dans ma cervelle.
Par bonheur, l'emplacement forain n'etait pas loin de l'hotel. Nous
arrivames, apres un quart d'heure de marche, sur une vaste plaine ou
grouillait la foule et le bruit au milieu d'un encombrement de chevaux,
de chariots, de boiseries deposees par tas, de toiles peintes etendues a
terre ou roulees par piles. La plupart des petites baraques etaient deja
debarrassees de leurs cloisons de planches et ne dressaient plus, sur le
ciel pluvieux, que les madriers de leur carcasse interieure.
Seul le "Pratt's Theatre," imposant comme un steamer parmi des barques,
subsistait encore en entier, prolongeant sa vaste facade et deployant
son enseigne a brillantes lettres rouges entremelees de diables noirs.
Un escalier d'une vingtaine de marches conduisait au controle et aux
entrees du public menagees sous un superbe baldaquin de velours cramoisi
frange d'or. Trois gentlemen en toilette severe attendaient sur cette
plateforme et saluerent gravement l'ami Pratt des qu'il parut.
--Pardonnez-moi, me dit-il, je dois travailler avec ces messieurs. Vous
me retrouverez ici tout a vous dans une heure. Amusez-vous jusque-la du
mieux que vous pourrez.
Il disparut, sans autre explication, derriere la tenture; je restai
seul, plus froisse que jamais des facons cavalieres de l'ami Pratt. Et
puis comment tuer le temps sous cette pluie fine qui me percait les os?
Toute la population des saltimbanques: les ecuyers, les acrobates, les
montreurs de betes, les diseurs de bonne aventure, les bimbelotiers et
leur innombrable marmaille travaillaient dur a plier bagage pendant que
le
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