islateur avait tenu compte de ces propensions
belliqueuses avec d'autant plus de logique, semble-t-il, qu'au lieu
d'etre, comme partout ailleurs, un motif de tuerie sterile, elles
fournissaient a cette Polynesie des ressources incalculables de
ravitaillement. En consequence, on octroyait au militarisme une
ile entiere avec terrains appropries et tous genres de travaux de
fortification. Les amateurs de massacre legal s'enrolaient, a leur
choix, dans l'un des deux corps d'armee dont le choc devait avoir lieu
chaque annee pendant les bonnes conditions climateriques du printemps.
A cette fin, les journaux attisaient la haine que les differences
d'uniformes fomentaient entre les regiments. On excitait meme a des
luttes anticipees les fantassins de costumes divers qui se rencontraient
par hasard dans les rues. Les generaux entretenaient la fureur par
d'homeriques defis echanges dans les gazettes. On ne tolerait d'ailleurs
aucune jactance inefficace. Les calculateurs de strategie, les
inventeurs d'engins de destruction devaient concourir individuellement a
l'application de leurs plans, d'autant mieux accueillis qu'ils etaient
plus meurtriers. Les aspirations sentimentales vers le devouement
charitable ou religieux, decelees par la police chez les individus des
deux sexes, conduisaient a l'immatriculation rigoureuse dans les cadres
des aumoneries et des ambulances. Les declamations en l'air n'etaient
pas de mise. Tout ce qui vit, tout ce qui meurt, tout ce qui beneficie,
tout ce qui s'amuse, enfin, des miseres de la guerre, participait
inexorablement au combat annuel. Les proclamations supremes des
generalissimes ouvraient l'ere decisive; l'embarquement se hatait dans
le fracas des hurrahs patriotiques et les operations s'engageaient des
l'arrivee, sans autre methode que l'indistincte entre-tuerie de tous les
belligerants. La seule gloire reconnue comme utile etait d'etre mort. Le
_Te Deum_ subsequent ne solennisait que les cadavres. C'etait une guerre
a qui perd gagne et, differemment du reste du globe, on dedaignait les
rares survivants comme des vaincus jusqu'a leur revanche a la prochaine
affaire. Contrairement, encore, aux suites usitees dans les pays a
regime culinaire moins raisonne, les sanglantes journees procuraient aux
indigenes une nouvelle phase d'abondance, et de calme...."
Mary Gulf accompagne ces notations rapides d'un jeu de sourire ou
s'accumule evidemment un exces de sarcasme. Elle continue, neanmoins,
placi
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