pas
d'oisifs, et, partant, rien de cette agitation qui caracterise la vie
industrielle moderne. Le silence de l'etude, le recueillement de la
piete ou des travaux de patience et de precision, un _chez soi_
hospitalier, mais qui ne paraissait se soumettre a aucun abus, un
bien-etre meditatif et fier, tel etait, en general, le caractere des
habitations aisees.
Celle des Obernay etait un type adouci et quelque peu modernise de cette
vie respectable et grave. Les chefs de la famille, aussi bien que leurs
enfants et leur intime entourage, protestaient contre l'exces des
rigidites exterieures. Trop savant pour etre fanatique, le professeur
suivait le culte et la coutume de ses peres; mais son intelligence
cultivee avait fait une large trouee dans le monde du gout et du
progres. Sa femme, plus menagere que docte, avait neanmoins pour la
science le meme respect que pour la religion. Il suffisait que M.
Obernay fut adonne a certaines etudes pour qu'elle regardat ces
occupations comme les plus importantes et les plus utiles qui pussent
remplir la vie d'un homme de bien, et, quand cet epoux venere demandait
un peu de sans-gene et d'abandon autour de lui pour se reposer de ses
travaux, elle s'ingeniait naivement a lui complaire, persuadee qu'elle
travaillait pour la plus grande gloire de Dieu des qu'elle travaillait
pour lui.
Malgre l'absence momentanee de leur famille, ces vieux epoux me parurent
donc extremement aimables. Rien chez eux ne sentait l'esprit souvent
etroit de la province. Ils s'interessaient a tout et n'etaient etrangers
a rien. Ils y mettaient meme une sorte de coquetterie, et l'on pouvait
comparer leur esprit a leur maison, vaste, propre, austere, mais egayee
par les plus belles fleurs, et s'ouvrant sur l'aspect grandiose du lac
et des montagnes.
Les deux filles, Adelaide et Rosa, etaient allees voir une tante a
Morges. On me montra le portrait de la petite Rosa, dessine par sa
soeur. Le dessin etait charmant, la jeune tete ravissante; mais il n'y
avait pas de portrait d'Adelaide.
On me demanda si je me souvenais d'elle. Je repondis hardiment que oui,
bien que ce souvenir fut tres-vague.
--Elle avait cinq ans dans ce temps-la, me dit madame Obernay; vous
pensez qu'elle est bien changee! Pourtant elle passe pour une belle
personne. Elle ressemble a son pere, qui n'est pas trop mal pour un
homme de cinquante-cinq ans. Rosa est moins bien; elle me ressemble,
ajouta en riant l'excellente femme, encore frai
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