Ne repondez pas, mais arrivez vite."
"CAROLINE DES ORMES."
Quand Paolo recut cette lettre, il retomba dans le desespoir; M. de
Nance, apres avoir ri de la perseverance de Mme des Ormes, conseilla a
Paolo de se rendre a ses voeux et de prendre le chemin de fer de midi qui
l'amenerait a Paris a quatre heures. Paolo soupira, pleura meme, se
tapa la tete et partit, maudissant la signora et ses charades. Il etait
attendu; on le recut avec enthousiasme; sans lui donner le temps de se
reposer, Mme des Ormes l'entraina dans le salon ou se faisaient les
repetitions; tous les acteurs y etaient; ils accueillirent Paolo avec
des eclats de rire que ne justifiaient que trop son air effare, etrange,
son attitude embarrassee et son apparence miserable; car pour menager
son habit de parade, il avait mis sa redingote rapee et tachee, des
souliers ferres, le reste a l'avenant, Mme des Ormes le trainant par la
main, le presentant a tout le monde:
--Voici mon Assuerus, disait-elle; commencons la repetition.
On placa Paolo sur une estrade; l'un lui leva le bras, l'autre la jambe;
on lui ouvrit la bouche, on lui tira le nez, on herissa ses cheveux;
tous riaient a se tordre, excepte Paolo, qui, impatiente de ces
plaisanteries et de ces rires, bondit de dessus l'estrade au milieu du
salon, et cria avec colere:
--Ze ne veux pas qu'on me tiraille comme un veau qu'on egorge. Ze veux
qu'on me respecte et qu'on me donne a manzer. Si la Signora me fait des
farces comme ca, moi, Paolo, ze prends la dilizence et m'en retourne a
Arzentan.
Toute la societe rit de plus belle, mais se retira devant les yeux
enflammes et les gestes furieux de Paolo, Mme des Ormes lui expliqua que
c'etait une repetition, qu'on allait lui servir un bon repas; elle
le flatta, le calma, et puis elle sonna pour qu'on le menat dans sa
chambre. Elle pria ces messieurs et ces dames de ne pas se decourager,
que tout irait bien maintenant qu'elle tenait son Assuerus, et qu'elle
se chargeait de lui faire repeter son role et ses pauses. Le jour de
la representation arriva. Le salon etait plein de monde; deux tableaux
avaient ete passablement executes. Esther et Assuerus, qui excitaient
d'avance les rires de l'assemblee, etaient attendus avec impatience;
enfin la toile se leva. Assuerus, raide comme un soldat au port d'armes,
le sceptre sur l'epaule en guise de fusil, regardait les spectateurs
d'un oeil hebete et terrifie; Esther, demi-agenouillee devant lui, les
bras tend
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