'est elle-meme avant tout; ensuite, ce sont ses parents, et enfin, et
dominant tout, c'est M. de Nance, qu'elle a adopte pour pere, et qu'elle
aime avec une tendresse extraordinaire.
ADOLPHE
--Pour commencer par Christine elle-meme, chere Madame, ayez la bonte
de lui parler aujourd'hui et de me faire savoir de suite ou je dois
adresser ma lettre de demande a M. et Mme des Ormes.
MADAME DE CEMIANE
--Je ferai ce que vous desirez, Adolphe, mais je ne suis pas aussi
certaine que vous du succes de votre demande.
ADOLPHE
-Oh! Madame, vous plaisantez! Une pauvre fille abandonnee par ses
parents, elevee par un etranger, avec un vilain bossu pour tout
divertissement, enfermee ensuite dans un couvent, est trop heureuse
qu'on veuille lui donner une position agreable et independante en
l'epousant; elle a de l'esprit, elle sera fort riche, elle est
charmante, elle me plait enfin, et je vous demande instamment de m'aider
a ce mariage qui me donnera le droit de vous appeler ma tante.
Adolphe baisa la main de Mme de Cemiane en l'appelant "ma tante" et s'en
alla.
Mme de Cemiane hocha la tete et fit appeler Christine, a laquelle elle
communiqua la demande d'Adolphe.
--Que dois-je lui repondre, ma chere enfant?
CHRISTINE
--Ayez la bonte de lui dire, ma tante, que je le remercie beaucoup de sa
demande, mais que je la refuse, absolument.
MADAME DE CEMIANE
--Pourquoi, Christine?
CHRISTINE
--Je ne l'aime pas, ma tante, et je n'ai aucune estime pour lui.
MADAME DE CEMIANE
--Mais il est tres aimable; il est riche, il est joli garcon.
CHRISTINE
--Que voulez-vous, ma tante, il me deplait.
MADAME DE CEMIANE
--Avant de refuser si positivement, ecris a M. de Nance. Songe donc a ta
position, ma pauvre enfant. Je ne dois pas te dissimuler que ta mere
a beaucoup derange sa fortune par ses depenses excessives. Que
deviendrais-tu si je venais a te manquer?
CHRISTINE
--J'ecrirai a M. de Nance, ma tante, mais pour lui dire que j'aimerais
mieux mourir que d'epouser Adolphe ou tout autre.
MADAME DE CEMIANE
--Comment, tu ne veux pas te marier?
CHRISTINE
--Non, ma tante; quoi qu'il arrive, je serai plus heureuse qu'avec un
mari que je ne pourrais souffrir, je le sais, j'en suis sure.
MADAME DE CEMIANE
--Comme tu voudras, Christine; cette aversion du mariage adoucira le
coup que je vais porter a Adolphe, qui etait si sur de ton consentement,
J'ecrirai de mon cote a M. de Nance pour lui racon
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