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raisonnable, mais un peu paresseux pour le travail de college; il etait tres bon musicien, il peignait remarquablement bien, et avec ces deux talents il pretendait pouvoir se passer de grec et de latin. Leur joie de revoir Christine rejouit un peu le coeur de la pauvre delaissee: ils causerent ou plutot parlerent sans arreter pendant une heure et demie que se prolongea la visite de Mme de Cemiane. Christine ecouta beaucoup et parla peu. Sa tante l'observait attentivement et avec interet. --Ma pauvre Christine, lui dit-elle en se levant pour partir, qu'est devenu ton rire joyeux, ta gaiete d'autrefois? Tu as le regard malheureux, le sourire triste, presque douloureux. Es-tu malheureuse au couvent, mon enfant? Je t'emmenerai de suite chez moi si c'est ainsi. Christine embrassa sa tante et pleura doucement, mais amerement, dans ses bras. MADAME DE CEMIANE --Viens, ma pauvre enfant; viens! C'est affreux de t'avoir enfermee dans cette prison; tu vas venir chez moi. CHRISTINE --Je vous remercie, ma bonne tante; ce n'est pas le couvent qui fait couler mes larmes; j'y suis aussi heureuse que je puis l'etre, separee de ceux que j'aime tendrement, passionnement, de ceux qui m'ont recueillie, elevee, aimee, rendue si heureuse pendant huit ans! C'est M. de Nance qui m'a placee ici, et j'y resterai tant qu'il desirera que j'y reste. Je pleure leur absence; loin de mon pere et de mon frere, il n'y a pour moi que tristesse et isolement. MADAME DE CEMIANE --Tu ne nous aimes donc plus, Christine? CHRISTINE --Je vous aime et vous aimerai toujours, mais pas de meme; je ne puis exprimer ce que je sens; mais ce n'est pas la meme chose; je puis vivre sans vous, je ne me sens pas la force de vivre loin d'eux. MADAME DE CEMIANE --Oui, je comprends; tes lettres a Gabrielle etaient pleines de tendresse pour M. de Nance et pour Francois. Comment est-il, ce bon petit Francois? CHRISTINE, vivement. --Toujours aussi bon, aussi devoue, aussi aimable. MADAME DE CEMIANE --Oui, mais sa taille, son infirmite. CHRISTINE --Il est grandi, mais son infirmite reste toujours la meme. MADAME DE CEMIANE --Quel age a-t-il donc maintenant? CHRISTINE --Il a vingt et un ans depuis trois mois. MADAME DE CEMIANE --Ecoute, ma petite Christine, je comprends ton chagrin, mais il ne faut pas l'augmenter par la vie d'ermite que tu menes au couvent; tu aimes Gabrielle et Bernard, ils t'aiment beaucoup; ils se font
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