entra au moment ou un dernier baiser de Christine terminait la
conversation.
FRANCOIS
--Ce pauvre Maurice me fait pitie! il est parti si triste, plus triste
que je ne l'ai vu depuis longtemps.
CHRISTINE
--Qu'est-ce qu'il a? Qu'est-ce qu'il veut?
FRANCOIS
--Comment, ce qu'il a? Tu as bien vu comme il est tortu, bossu,
defigure?
CHRISTINE
--Oui, j'ai vu; il est horrible, affreux.
FRANCOIS
--Et bien! c'est ca qui l'attriste; il a bien vu que tu t'approchais
avec repugnance, presque avec degout, dit-il.
CHRISTINE
--C'est vrai, mais c'est sa faute.
FRANCOIS
--Comment, sa faute? C'est sa chute pendant l'incendie qui l'a si
terriblement defigure.
CHRISTINE
--Oui, mais ecoute, Francois; avant je ne l'aimais pas, parce qu'il
etait mechant pour toi. Le bon Dieu l'a puni; je l'ai plaint beaucoup
et je lui ai pardonne quand il est devenu bon et qu'il t'a aime.
Aujourd'hui, quand il est entre, il m'a fait pitie et j'etais disposee
a lui porter un peu d'amitie; mais il m'a demande de l'aimer comme je
t'aime, et alors... (le visage de Christine exprima une vive emotion),
alors... je l'ai,... je ne l'ai plus aime du tout. Je l'ai trouve
ridicule et bete! C'est sot de sa part; cela prouve qu'il n'a pas de
coeur, qu'il ne comprend pas la reconnaissance, la tendresse que j'ai
pour toi et pour notre pere; il ne comprend pas que je ne peux aimer
personne comme je vous aime; que je ne suis heureuse qu'ici, avec vous,
et que chez maman et partout je serai malheureuse loin de vous. Et quand
maman et papa reviendront je serai desolee.
Christine fondit en larmes; Francois la consola de son mieux, ainsi que
M. de Nance, qui lui dit qu'elle etait une petite folle; que ses parents
ne songeaient pas encore a revenir; que personne ne l'obligeait a aimer
Maurice: qu'elle ne lui devait que de la compassion et de la bonte.
Christine essuya ses yeux, avoua qu'elle avait ete un peu sotte et
promit de ne plus recommencer.
--Seulement, je te demande, Francois, de ne pas me laisser trop souvent
pour aller voir Maurice et de ne pas l'aimer autant que tu m'aimes.
--Sois tranquille, Christine; tu seras toujours celle que j'aimerai
par-dessus tout, excepte papa.
XX
SURPRISE DESAGREABLE QUI NE GATE RIEN
Les beaux jours du printemps arriverent et rendirent la campagne encore
plus agreable aux habitants du chateau de Nance; Paolo etait devenu
l'homme indispensable. Devoue, affectionne comme un chien fidele,
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