ilement a cet
effet representatif etait nuisible a l'oeuvre elle-meme, en distrayant
l'esprit de ce qui devait etre sa principale et quelquefois son unique
preoccupation. Mais il est evident que, pour realiser cet accord, s'il
convient de ne rien ajouter a la juste mise en scene, il ne faut pas non
plus en rien retrancher. De meme que la mise en scene peut pecher par
exces, elle peut aussi pecher par defaut. L'esprit est toujours frappe
fortement par un contraste. Le decor, les costumes, les jeux de scene,
la figuration, doivent donc convenir au texte poetique; c'est ce que
jadis on aurait exprime en disant que la mise en scene doit etre
decente. Elle ne le serait pas si, par exemple, on jouait _le
Misanthrope_ dans le meme decor que les _Femmes savantes_; elle ne l'est
pas quand l'aspect de la figuration repugne a l'idee avantageuse qu'en
fait naitre le texte de la piece.
Pour suivre avec profit une oeuvre dramatique, forte et bien liee dans
toutes ses parties, il faut une grande contention d'esprit, dont en
general on n'apprecie pas assez la puissance. On en aura une idee
approximative quand on se sera rendu compte que l'esprit est occupe a la
coordination d'un nombre considerable d'impressions auditives, visuelles
et intellectuelles, dont les elements changent constamment, se
compliquent, se croisent, s'ajoutent ou se retranchent dans un mouvement
incessant. Il faudrait une longue analyse pour decomposer ce travail,
dont on aura une mesure bien affaiblie si nous disons que l'esprit
coordonne d'abord, non seulement son etat de conscience present, mais
encore ses etats de conscience anterieurs, avec les lieux, les costumes
et le langage des personnages; ensuite qu'il coordonne entre eux les
mouvements, les attitudes, les gestes, la physionomie, les regards, les
mots, les phrases, la hauteur des sons, leurs relations, leur intensite,
le rythme, et enfin les idees, qui se derobent sous une foule d'images,
faibles ou vives, souvent lointaines, et qu'il calcule encore leurs
rapports avec toute la succession des faits ecoules et des faits
possibles, etc.
Il faut a l'esprit, pour suffire a cette coordination presque
incommensurable, un influx constant de force nerveuse dont rien ne
doit venir troubler ou detourner le cours. On doit donc se garder de
soumettre a l'esprit des coordinations contradictoires. C'est bien assez
qu'il ait a resoudre les contradictions qui resultent du jeu ou de
la diction imparfaite des acteurs,
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