, est obstine a
ne faire aucune demarche et il a l'air de fuir M. de Boisguilbault tout
autant qu'il en est fui. Comme mon renvoi de Boisguilbault date a peu pres
de la meme epoque, je pense que c'est un trop plein de la colere du marquis
qui est retombe sur moi, ou bien que, comme il me savait des lors
tres-attache a M. Antoine, il a craint que je n'eusse la hardiesse de lui
en parler et de blamer son caprice. En cela il ne s'est guere trompe, car
je n'ai pas la langue engourdie, et il est certain que j'aurais fait
entendre mon mot a l'oreille de M. le marquis. Il a voulu prendre les
devants; je ne peux pas expliquer autrement sa durete envers moi.
--Cet homme a-t-il une famille? demanda Emile.
--Nenni, Monsieur. Il avait epouse une fort jolie demoiselle, trop jeune
pour lui, une parente pas riche. Cela ressemblait de sa part a un mariage
d'amour, mais il n'y parut guere a sa conduite; car il n'en fut ni plus
gai, ni plus liant, ni plus aimable. Il ne changea rien a sa maniere de
vivre comme un ours, sauf le respect que je lui dois. M. Antoine continua a
etre a peu pres le seul habitue de la maison, et madame s'y ennuya si bien,
qu'un beau jour elle s'en alla habiter Paris sans que son mari songeat a
l'y suivre ou a la faire revenir aupres de lui. Elle y mourut encore toute
jeune, sans lui avoir donne d'enfants, et depuis ce temps, soit qu'un
chagrin cache lui ait toque la cervelle, soit que le plaisir d'etre seul
l'ait console de tout, il a vecu absolument enferme dans son chateau, sans
aucune compagnie, pas meme celle d'un pauvre chien. Sa famille est a peu
pres eteinte, on ne lui connait pas d'heritiers, pas d'amis; on ne peut
donc presumer qui sera enrichi par sa mort.
--Evidemment, c'est la un monomane, dit Emile.
--Comment dites-vous ca? demanda le charpentier.
--Je veux dire que c'est un esprit frappe d'une idee fixe.
--Oui, je crois bien que vous avez raison, reprit Jean; mais quelle est
cette idee? voila ce que personne ne saurait dire. On ne lui connait qu'un
attachement. C'est ce parc que vous voyez la, qu'il a dessine et plante
lui-meme, et dont il ne sort presque jamais. Je crois meme qu'il y dort
tout debout, en se promenant; car on l'a vu quelquefois marcher a deux
heures du matin dans ses allees, comme un revenant, et cela faisait peur a
ceux qui s'etaient glisses la pour essayer d'y chiper quelques fruits ou
quelques fagots."
Comme il etait arrive en face du parc et que, du sentier eleve q
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