et de se preparer a l'attaque ou a la defense!
Un peu excitee par les premieres atteintes de cette flamme secrete,
Gilberte les recut d'abord en jouant. Sa serenite n'en fut pas troublee a
la surface, et tandis qu'Emile etait deja force de se faire violence pour
cacher son emotion, elle souriait encore et parlait librement, en attendant
que le regret de son depart et l'impatience de son retour lui fissent
comprendre que sa presence allait devenir souverainement necessaire.
Janille ne les quitta plus; mais insensiblement leur conversation se porta
sur des sujets ou, malgre sa vive penetration, Janille ne comprenait pas
grand'chose.
Gilberte etait instruite aussi solidement que peut l'etre une jeune fille
elevee dans un pensionnat de Paris, et il est vrai de dire que l'education
des femmes a fait, depuis vingt ans, de notables progres dans la plupart de
ces etablissements. L'instruction, le bon sens et la tenue des femmes
chargees de les diriger ont subi les memes ameliorations, et des hommes de
merite n'ont pas trouve au-dessous d'eux de faire des cours d'histoire, de
litterature et de science elementaire pour cette moitie intelligente et
perspicace du genre humain.
Gilberte avait recu quelques notions de ce qu'on appelle les arts
d'agrement; mais, tout en obeissant en ceci a la volonte de son pere, elle
avait donne plus d'attention au developpement de ses facultes serieuses.
Elle s'etait dit de bonne heure que les beaux arts lui seraient d'une
faible ressource dans une vie pauvre et retiree, que le labeur domestique
lui prendrait trop de temps, et que, destinee au travail des mains, elle
devait former son esprit pour ne pas souffrir du vide de la pensee et du
dereglement de l'imagination.
Une sous-maitresse, femme de merite, dont elle avait fait son amie et la
confidente de son sort precaire, avait ainsi regle l'emploi de ses
facultes, et la jeune fille, penetree de la sagesse de ses conseils, s'y
etait docilement resolue.
Cependant ce plaisir d'apprendre et de retenir les choses de l'esprit avait
cree a l'enfant une certaine souffrance depuis qu'elle etait privee de
livres au milieu des ruines de Chateaubrun. M. Antoine eut fait tous les
sacrifices pour lui en procurer, s'il eut pu se rendre compte de son desir;
mais Gilberte, gui voyait leurs ressources si restreintes, et qui voulait,
avant tout, que le bien-etre de son pere ne souffrit d'aucune privation, se
gardait bien d'en parler.
Janille s'etait
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