ut me faire arreter.
"Il resta au moins trois minutes sans rien dire; je crus qu'il avait oublie
que j'etais la, et j'allais partir, quand il me dit: "Pourquoi n'es-tu pas
venu me trouver?
"--Dame! que je fis, vous savez bien pourquoi.
"--Non!
"--Comment, non? Est-ce que vous ne vous souvenez pas qu'apres m'avoir
employe longtemps et ne m'avoir jamais fait de reproches (il me semble que
je n'en meritais point), vous m'avez appele dans votre cabinet un beau
matin, et que vous m'avez dit: "Voila le compte de tes dernieres journees,
va-t'en!" Et comme je vous demandais quel jour il fallait revenir, vous
m'avez dit _jamais!_ et, comme j'etais mecontent de cette facon d'agir, et
que je vous demandais en quoi j'avais demerite aupres de vous, vous m'avez
montre la porte du bout du doigt, sans daigner desserrer les levres. Il y a
environ vingt ans de ca, et il se peut que vous l'ayez oublie. Mais moi, je
l'ai toujours sur le coeur, et je trouve que vous avez ete bien dur et bien
injuste envers un pauvre ouvrier, qui travaillait de son mieux et qui
n'etait pas plus maladroit qu'un autre. J'ai cru d'abord que vous aviez une
lubie et que vous en reviendriez; mais j'ai eu beau attendre, vous ne
m'avez jamais fait redemander. J'etais trop fier pour venir queter votre
ouvrage; je n'en manquais pas ailleurs, j'en ai toujours eu a discretion;
et si je n'etais pas force, a l'heure qu'il est, de me cacher dans les
bois, je ne serais pas a court de pratiques; mais ce qui m'a blesse,
voyez-vous, c'est d'avoir ete chasse comme un chien, pis que cela, comme un
paresseux ou un voleur, et sans qu'on daignat me mettre a meme de me
justifier. J'ai pense que j'avais quelque ennemi dans votre maison, et
qu'on vous avait fait de faux rapports. Mais je n'ai jamais devine qui ce
pouvait, etre, car je ne me suis jamais connu d'autres ennemis que les
gardes champetres et les gabelous. J'ai garde le silence; je ne me suis pas
plaint de vous, mais je vous ai plaint d'etre credule pour le mal, et comme
je vous aimais un peu, ca m'a chagrine de vous trouver des torts.
"M. de Boisguilbault avait toujours l'air de ne pas m'entendre; mais quand
j'eus tout dit:
"--De combien est ton amende? dit-il d'un ton d'indifference.
"--Le tout reuni se monte a un millier de francs, plus les frais.
"--Eh bien, va-t'en dire au maire de ton village ... M. Cardonnet, n'est-ce
pas? de m'envoyer une personne de confiance pour que je puisse regler tes
affaires a
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