res, la voluptueuse etreinte de
ses yeux, et des caresses enfantines, les mains a plat sur cette
figure qui se raidissait, les doigts dans ses cheveux, dans sa
bouche, elle essayait de tisonner les cendres froides de leur
amour, lui redisait tout bas les delices passes, les reveils sans
force, l'enlacement aneanti de leurs apres-midi du dimanche. Tout
cela n'etait rien aupres de ce qu'elle lui donnerait encore; elle
savait d'autres baisers, d'autres ivresses, elle en inventerait
pour lui...
Et pendant qu'elle lui chuchotait de ces mots comme les hommes en
entendent a la porte des bouges, elle avait de grosses larmes
ruisselant sur une expression d'agonie et de terreur, se
debattait, criait d'une voix de reve:
-- Oh! que ca ne soit pas... dis que ce n'est pas vrai que tu me
quittes...
Et des sanglots encore, des gemissements, des appels au secours,
comme si elle lui voyait un couteau dans les mains.
Le bourreau n'etait guere plus vaillant que la victime. Sa colere,
il ne la craignait pas plus que ses caresses; mais il restait sans
defense contre ce desespoir, cette bramee qui remplissait le bois,
allait s'eteindre sur l'eau morte et fievreuse ou descendait un
triste soleil rouge... Il pensait bien souffrir, mais pas a cette
acuite; et il lui fallait tout l'eblouissement du nouvel amour
pour resister a la relever des deux mains, lui dire:
-- Je reste, tais-toi, je reste...
Depuis combien de temps s'epuisaient-ils ainsi tous deux?... Le
soleil n'etait plus qu'une barre toujours plus etroite au
couchant; l'etang se teignait d'un gris d'ardoise, et l'on eut dit
que sa vapeur malsaine envahissait la lande et le bois, les
coteaux en face. Dans l'ombre qui les gagnait, il ne voyait plus
que cette figure pale, levee vers lui, cette bouche ouverte,
clamant d'une intarissable plainte. Un peu apres, la nuit venue,
les cris s'apaiserent. Maintenant, c'etait un bruit de larmes a
flots, sans fin, une de ces longues pluies installees sur le grand
fracas de l'orage, et de temps en temps un "Oh!..." profond et
sourd comme devant quelque chose d'horrible qu'elle chassait et
revoyait toujours.
Puis, plus rien. C'est fini, la bete est morte... Une bise froide
se leve, froisse les branches, apportant l'echo d'une heure
lointaine.
-- Allons, viens, ne reste pas la.
Il la souleve doucement, la sent molle dans ses mains, obeissante
comme un enfant et convulsionnee de gros soupirs. Il semble
qu'elle garde une peur, un res
|