e de la salle, l'ecoutait venir par le Pave des Gardes...
Fallait-il etre folle!
Quelquefois rien qu'une ligne: "Il pleut, il fait noir... je suis
seule et je te pleure..." Ou bien elle se contentait de mettre
sous enveloppe une pauvre fleur toute trempee et raide de frimas,
la derniere de leur petit jardin. Mieux que toutes les plaintes,
cette fleur ramassee sous la neige, disait l'hiver, la solitude,
l'abandon; il voyait la place, au bout de l'allee, et contre les
plates-bandes, une jupe de femme mouillee jusqu'a l'ourlet, allant
et revenant dans une solitaire promenade.
Cette pitie qui lui angoissait le coeur le faisait vivre encore
avec Fanny, malgre la rupture. Il y songeait, se la figurait a
toute heure; mais par une singuliere defaillance de sa memoire,
quoiqu'il n'y eut guere plus de cinq ou six semaines depuis leur
separation, et que les moindres details de leur interieur lui
fussent encore presents, la cage de La Balue en face d'un coucou
en bois gagne a une fete de campagne, jusqu'aux branches du
noisetier qui battaient au moindre vent la vitre de leur cabinet
de toilette, la femme elle-meme ne lui apparaissait plus
distinctement. Il la voyait dans un reculement de brume avec un
seul detail de sa figure, accentue et penible, la bouche deformee,
le sourire troue par cette dent qui manquait.
Ainsi vieillie, qu'allait-elle devenir, la pauvre creature contre
qui il avait dormi si longtemps? L'argent fini qu'il lui avait
laisse, ou irait-elle, jusque vers quel bas-fond? Et tout a coup
se dressait dans son souvenir, la triste raccrocheuse, rencontree
le soir dans une taverne anglaise, mourant de soif devant sa
tranche de saumon fume. Elle deviendrait cela, celle dont il avait
si longtemps accepte les soins, la tendresse passionnee et fidele.
Et cette idee le desesperait... Cependant, que faire? Parce qu'il
avait eu le malheur de rencontrer cette femme, de vivre quelque
temps avec elle, etait-il condamne a la garder toujours, a lui
sacrifier son bonheur? Pourquoi lui et pas les autres? Au nom de
quelle justice?
Tout en s'interdisant de la revoir, il lui ecrivait; et ses
lettres a dessein positives et seches laissaient deviner son
emotion sous des conseils de sagesse et d'apaisement. Il
l'engageait a retirer Joseph de pension, a le reprendre pour
s'occuper, se distraire; mais Fanny refusait. A quoi bon mettre
cet enfant en presence de sa douleur, de son decouragement?
c'etait bien assez du dimanche ou le p
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