faciles, au developpement des industries alimentaires; ils
se rejouissent d'etre nes dans un si beau temps ou tout le monde ne
songe qu'a s'amuser. Les grands cacatoes de la democratie locale tronent
dans cet epanouissement, semblant dire, la main dans le revers de leur
redingote: Ce beau temps-la, c'est nous qui l'avons fait! La verite est
qu'il se vend dans le pays, chaque dimanche, beaucoup plus de petits
verres et de charcuterie qu'il y a dix ans. Allez donc nier, apres cela,
la prosperite nationale et le bien-etre croissant des classes autrefois
opprimees. Je jouis comme un autre du philanthropique spectacle de tous
ces gosiers arroses et de toutes ces tripes repues, mais j'en jouis
sobrement, sans m'y appesantir, avec l'enthousiasme d'un homme qui
n'aurait pas pris ce chemin s'il n'y avait pas ete oblige.
--C'est aujourd'hui Paques-fleuries, dit un enfant a son pere en passant
aupres de moi.
Son pere le regarda d'un air qui voulait dire: Qu'est-ce que ca nous
fait!
* * * * *
Eh bien! moi, ca me dit quelque chose. Le mot est si joli, d'abord:
Paques-fleuries! Ce fut comme une bouffee de souvenirs d'enfance qui me
monta au cerveau, pendant qu'il tintait dans mon oreille. Tout un monde
d'emotions douces se reveilla en moi, douces et lointaines comme la voix
d'un clocher perdu dans les brouillards. Je revis les seuils de l'eglise
tout jonches de rameaux de buis et les foules cheminant, recueillies,
sous cette verdure, comme cela etait quand j'avais douze ans. Des relens
d'encens et des gemissements d'orgue passerent dans l'air, et je
me complus singulierement a cette vision qui me rajeunissait et me
vieillissait tout ensemble. Des hymnes chantaient en latin dans
ma memoire, et cette musique m'etait la plus douce du monde. Quoi
d'etonnant?
Dans l'uniforme ennui des premieres annees qu'emplissent de fastidieuses
etudes et de stupides exercices de memoire, je ne me souviens pas de
meilleur repos que celui des fetes religieuses. Passer des murs froids
de l'etude crasseuse dans l'enceinte radieuse et illuminee de l'eglise;
quitter les bouquins noircis et cornes pour le missel aux enluminures
naives; entendre les melodies sublimes du plain-chant au lieu du
nasillard discours du pion; respirer a pleins poumons le benjoin apres
les fades parfums de la cuisine scolaire, n'etait-ce pas vraiment
quitter les realites immondes pour les visions les plus aimables?
N'etait-ce pas franchir la
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