avait oublie le
corps du delit.
-- Non, personne, dit-il, personne ici! Laissez-moi!
D'Artagnan partit. Le roi ferma sa porte lui-meme, et commenca une
furieuse course dans sa chambre, comme le taureau blesse qui
traine apres lui ses banderilles et les fers des hamecons. Enfin,
il se mit a se soulager par des cris.
-- Ah! le miserable! non seulement il me vole mes finances, mais,
avec cet or, il me corrompt secretaires, amis, generaux, artistes,
il me prend jusqu'a ma maitresse! Ah! voila pourquoi cette perfide
l'a si bravement defendu!... C'etait de la reconnaissance!... Qui
sait?... peut-etre meme de l'amour.
Il s'abima un instant dans ces reflexions douloureuses.
"Un satyre! pensa-t-il avec cette haine profonde que la grande
jeunesse porte aux hommes murs qui songent encore a l'amour; un
faune qui court la galanterie et qui n'a jamais trouve de
rebelles! un homme a femmelettes, qui donne des fleurettes d'or et
de diamant, et qui a des peintres pour faire le portrait de ses
maitresses en costume de deesses!"
Le roi fremit de desespoir.
-- Il me souille tout! continua-t-il. Il me ruine tout! Il me
tuera! Cet homme est trop pour moi! Il est mon mortel ennemi! Cet
homme tombera! Je le hais!... je le hais!... je le hais!...
Et, en disant ces mots, il frappait a coups redoubles sur les bras
du fauteuil dans lequel il s'asseyait et duquel il se levait comme
un epileptique.
-- Demain! demain!... Oh! le beau jour! murmura-t-il, quand le
soleil se levera, n'ayant que moi pour rival, cet homme tombera si
bas, qu'en voyant les ruines que ma colere aura faites, on avouera
enfin que je suis plus grand que lui!
Le roi, incapable de se maitriser plus longtemps, renversa d'un
coup de poing une table placee pres de son lit, et, dans la
douleur qu'il ressentit, pleurant presque, suffoquant, il alla se
precipiter sur ses draps, tout habille qu'il etait, pour les
mordre et pour y trouver le repos du corps.
Le lit gemit sous ce poids, et, a part quelques soupirs echappes
de la poitrine haletante du roi, on n'entendit plus rien dans la
chambre de Morphee.
Chapitre CCXXIII -- Lese-majeste
Cette fureur exaltee, qui s'etait emparee du roi a la vue et a la
lecture de la lettre de Fouquet a La Valliere, se fondit peu a peu
en une fatigue douloureuse.
La jeunesse, pleine de sante et de vie, ayant besoin de reparer a
l'instant meme ce qu'elle perd, la jeunesse ne connait point ces
insomnies sans fin qui real
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