ee en attendant son sort definitif. Quatre-vingts
millions avaient ete frappes sur le clerge, les abbayes, les nobles, les
corporations. Les assignats avaient ete mis en circulation forcee; les
prix de Lille avaient servi a determiner le _maximum_ dans toute la
Belgique. Les denrees, les marchandises utiles aux armees etaient
soumises a la requisition. Ces reglemens n'avaient pas fait cesser la
disette. Les marchands, les fermiers cachaient tout ce qu'ils
possedaient; et tout manquait a l'officier comme au soldat.
Levee en masse l'annee precedente, equipee sur-le-champ, transportee en
hate a Hondschoote, Watignies, Landau, l'armee entiere n'avait plus rien
recu de l'administration que de la poudre et des projectiles. Depuis
long-temps elle ne campait plus sous toile; elle bivouaquait sous des
branches d'arbre, malgre le commencement d'un hiver deja tres rigoureux.
Beaucoup de soldats, manquant de souliers, s'enveloppaient les pieds
avec des tresses de paille, ou se couvraient avec des nattes en place de
capotes. Les officiers, payes en assignats, voyaient leurs appointemens
se reduire quelquefois a huit ou dix francs effectifs par mois; ceux qui
recevaient quelques secours de leurs familles n'en pouvaient guere faire
usage, car tout etait requis d'avance par l'administration francaise.
Ils etaient soumis au regime du soldat, marchant a pied, portant le sac
sur le dos, mangeant le pain de munition, et vivant des hasards de la
guerre.
L'administration semblait epuisee par l'effort extraordinaire qu'elle
avait fait pour lever et armer douze cent mille hommes. La nouvelle
organisation du pouvoir, faible et divisee, n'etait pas propre a lui
rendre le nerf et l'activite necessaires. Ainsi tout aurait commande de
faire entrer l'armee en quartiers d'hiver, et de la recompenser de ses
victoires et de ses vertus militaires par du repos et d'abondantes
fournitures.
Cependant nous etions devant la place de Nimegue, qui, placee sur le
Wahal (c'est le nom du Rhin pres de son embouchure), en commandait les
deux rives, et pouvait servir de tete de pont a l'ennemi pour deboucher
a la campagne suivante sur la rive gauche. Il etait donc important de
s'emparer de cette place avant d'hiverner; mais l'attaque en etait tres
difficile. L'armee anglaise, rangee sur la rive droite, y campait au
nombre de trente-huit mille hommes; un pont de bateaux lui fournissait
le moyen de communiquer avec la place et de la ravitailler. Outre ses
fortif
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