aussitot
prononce. Les accuses avaient eu a peine le temps de se lever et d'enoncer
leurs noms. Un jour, il y en eut un dont le nom n'etait pas sur la liste
des accuses, et qui dit au tribunal: "Je ne suis pas accuse, mon nom n'est
pas dans votre liste.--Eh qu'importe! lui dit Fouquier; donne-le vite." Il
le donna, et fut envoye a la mort comme les autres. La plus grande
negligence regnait dans cette espece d'administration barbare. Souvent on
omettait, par l'effet de la grande precipitation, de signifier les actes
d'accusation, et on les donnait aux accuses a l'audience meme. On
commettait les plus etranges erreurs. Un digne vieillard, Loizerolles,
entend prononcer a cote de son nom les prenoms de son fils; il se garde de
reclamer, et il est envoye a la mort. Quelque temps apres, le fils est juge
a son tour; et il se trouve qu'il aurait du ne plus exister, car un
individu ayant tous ses noms avait ete execute: c'etait son pere. Il n'en
perit pas moins. Plus d'une fois on appela des detenus qui avaient deja ete
executes depuis long-temps. Il y avait des centaines d'actes d'accusation
tout prets, auxquels on ne faisait qu'ajouter la designation des individus.
On faisait de meme pour les jugemens[1]. L'imprimerie etait a cote de la
salle meme du tribunal; les planches etaient toutes pretes, le titre, les
motifs etaient tout composes; il n'y avait que les noms a y ajouter; on les
transmettait par une petite lucarne au prote. Sur-le-champ des milliers
d'exemplaires etaient tires, et allaient repandre la douleur dans les
familles et l'effroi dans les prisons. Les petits colporteurs venaient
vendre le bulletin du tribunal sous les fenetres des prisonniers, en
criant: _Voici ceux qui ont gagne a la loterie de la sainte guillotine!_
Les accuses etaient executes au sortir de l'audience, ou tout au plus le
lendemain, si la journee etait trop avancee.
[Illustration: L'APPEL DES CONDAMNES.]
Les tetes tombaient, depuis la loi du 22 prairial, par cinquante ou
soixante chaque jour. _Ca va bien_, disait Fouquier, _les tetes tombent
comme des ardoises_; et il ajoutait: _Il faut que ca aille mieux encore la
decade prochaine; il m'en faut quatre cent cinquante au moins_[7]. Pour
cela, on faisait ce qu'ils appelaient des _commandes aux _moutons_ qui se
chargeaient d'espionner les suspects. Ces infames etaient devenus la
terreur des prisons. Enfermes comme suspects, on ne savait pas au juste
quels etaient ceux d'entre eux qui se chargeaie
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