tenait devant l'entree du club de la _Caccia_, la tete haute, toisant
avec un air d'insolence et de defi les gens qui le regardaient.
Il alla a lui et l'aborda comme a l'ordinaire:
--Comment allez-vous, mon cher prince?
--Pourquoi me demandez-vous cela? repliqua Michel, plus rogue et plus
brutal qu'il ne l'avait jamais ete.
Sans se facher; Aurelien lui prit le bras:
--Voulez-vous que nous fassions un tour dans le Corso?
--Si vous voulez.
Au fond Michel etait heureux du secours qui lui arrivait, car il se
sentait isole et perdu au milieu des regards curieux qui de tous cotes
se fixaient sur lui, mais il ne convenait pas a sa fierte ni a sa honte
d'etre sensible a l'offre d'Aurelien: de la son air rogue, de la sa
reponse brutale.
Mais eut-elle ete plus grossiere encore, cette reponse, Aurelien ne
s'en serait pas fache; en effet jamais moment plus favorable ne s'etait
presente pour gagner le coeur de son futur beau-frere, au cas ou
celui-ci aurait un coeur, ce qui etait assez problematique, en tous cas
pour plaire a son orgueil blesse.
Ils se mirent donc a marcher cote a cote dans le Corso, Aurelien causant
joyeusement de choses sans importance; Michel repondant de temps en
temps par un oui ou par un non.
Jamais il n'avait porte la tete plus haut, les yeux a quinze pas, le nez
au vent, le chapeau legerement incline sur le cote, en tout l'attitude
provocante de ceux qui se croient meprises et qui esperent s'imposer par
l'intimidation.
De temps en temps Aurelien, qui le tenait par le bras, sentait ce bras
fremir; c'etait le regard, c'etait le sourire d'un passant, c'etait le
salut d'un homme de son monde qui avait provoque ce fremissement.
Ils allerent ainsi jusqu'a la place du Peuple sans que personne les
arretat pour leur adresser la parole; on les regardait, quelquefois on
les saluait, d'autres fois on detournait la tete comme si on ne les
avait pas vus, mais personne ne leur parlait.
Et cependant c'etait l'heure ou le monde de Rome se trouve dans le
Corso, se rendant au Pincio et a la villa Borghese, ou bien en revenant.
Aurelien avait cru que Michel s'arreterait a la place du Peuple et
qu'ils se separeraient la; il commencait a etre inquiet du role qu'il
jouait, car il suffisait d'un sourire ou d'un mot pour que Michel
souffletat celui qui se serait permis cette marque de mepris, et la
perspective d'etre temoin dans un pareil duel n'etait pas faite pour le
rassurer.
Mais Michel voulait
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