erement chretien, nous ne pourrions donc ni lui ni moi
nous allier a une famille dont un membre aurait commis un crime. Vous me
direz que la charite ordonne de pardonner: assurement; mais c'est
aux autres qu'il faut etre indulgent, non aux siens, c'est-a-dire a
soi-meme. Le crime auquel je croyais n'existant plus, je puis donc
revenir a mon idee.
--Mais, madame...
--Vous ne comprenez pas que je veuille aujourd'hui ce que j'ai naguere
combattu de toutes mes forces. Cependant le changement qui s'est fait
en moi est, il me semble, bien explicable. Tant que j'ai cru que je
pourrais detourner mon fils de son projet, je n'ai rien epargne pour
lui opposer une vive resistance. Mais je vois aujourd'hui que je suis
vaincue. Aujourd'hui mon fils m'annonce que je ne le reverrai plus
et qu'il s'expatriera en Chine ou il recherchera le martyre, s'il ne
devient pas le mari de celle qu'il aime jusqu'a en mourir. Dans ces
conditions desesperees, la mere l'emporte en moi sur la femme d'argent,
et j'ai l'honneur de vous demander la main de mademoiselle votre fille
pour mon fils.
--Ma fille! s'ecria madame de la Roche-Odon.
Et cette seule exclamation en apprit plus a madame Pretavoine qu'un long
discours: la vicomtesse ne voulait pas marier sa fille et surtout elle
ne voulait pas la donner a M. Aurelien Pretavoine.
Cependant, la situation etait telle que madame de la Roche-Odon devait
se contenir et menager celle qui avait entre les mains ce terrible
cheque.
--Ma fille, dit-elle, mais, madame, je ne sais si elle veut se marier;
je ne sais si elle accepterait monsieur votre fils pour mari; je ne
sais...
--Ce n'est pas que vous me donniez mademoiselle Berengere que je
demande, c'est que vous me donniez votre consentement a son mariage avec
mon fils. Gagner mademoiselle Berengere, toucher son coeur, se faire
aimer d'elle, cela regarde mon fils; ce qui me regarde, moi, c'est
d'obtenir votre consentement, et c'est ce seul consentement que je vous
demande.
--Mais, madame, encore une fois, c'est de mon fils qu'il s'agit en ce
moment, non de ma fille; pour elle nous verrons plus tard; je ne puis
vous repondre ainsi.
--Nous nous comprenons mal ou plutot nous ne nous comprenons pas du
tout; si je vous parle de mademoiselle votre fille, cela n'empeche pas
qu'il s'agisse de monsieur votre fils: ils sont en ce moment solidaires
l'un de l'autre. Vous avez trop d'experience pour ne pas voir que je
veux en ce moment profiter des avan
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