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ies."
Amelie ouvrit une seconde caisse, et la trouva pleine de papier regle,
de traites sur la musique, et d'autres livres sur la composition,
l'harmonie et le contre-point.
"Ah! je comprends, dit-elle en riant, ceci est votre ecrin.
--Je n'en ai pas d'autre, repondit Consuelo, et j'espere que vous
voudrez bien vous en servir souvent.
--A la bonne heure, je vois que vous etes une maitresse severe. Mais
peut-on vous demander sans vous offenser, ma chere Nina, ou vous avez
mis vos robes?
--La-bas dans ce petit carton, repondit Consuelo en allant le chercher,
et en montrant a la baronne une petite robe de soie noire qui y etait
soigneusement et fraichement pliee.
--Est-ce la tout? dit Amelie.
--C'est la tout, dit Consuelo, avec ma robe de voyage. Dans quelques
jours d'ici, je me ferai une seconde robe noire, toute pareille a
l'autre, pour changer.
--Ah! ma chere enfant, vous etes donc en deuil?
--Peut-etre, signora, repondit gravement Consuelo.
--En ce cas, pardonnez-moi. J'aurais du comprendre a vos manieres que
vous aviez quelque chagrin dans le coeur, et je vous aime autant ainsi.
Nous sympathiserons encore plus vite; car moi aussi j'ai bien des sujets
de tristesse, et je pourrais deja porter le deuil de l'epoux qu'on
m'avait destine. Ah! ma chere Nina, ne vous effarouchez pas de ma
gaiete; c'est souvent un effort pour cacher des peines profondes."
Elles s'embrasserent, et descendirent au salon ou on les attendait.
Consuelo vit, des le premier coup d'oeil, que sa modeste robe noire, et
son fichu blanc ferme jusqu'au menton par une epingle de jais, donnaient
d'elle a la chanoinesse une opinion tres-favorable. Le vieux Christian
fut un peu moins embarrasse et tout aussi affable envers elle que la
veille. Le baron Frederick, qui, par courtoisie, s'etait abstenu d'aller
a la chasse ce jour-la, ne sut pas trouver un mot a lui dire, quoiqu'il
eut prepare mille gracieusetes pour les soins qu'elle venait rendre a sa
fille. Mais il s'assit a table a cote d'elle, et s'empressa de la
servir, avec une importunite si naive et si minutieuse, qu'il n'eut pas
le temps de satisfaire son propre appetit. Le chapelain lui demanda dans
quel ordre le patriarche faisait la procession a Venise, et l'interrogea
sur le luxe et les ornements des eglises. Il vit a ses reponses qu'elle
les avait beaucoup frequentees; et quand il sut qu'elle avait appris a
chanter au service divin, il eut pour elle une grande consideration.
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