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vous en etes un, vous aussi. Il y a un quart d'heure que je vous regarde
dormir, pour voir au grand jour si vous etes plus belle que moi. Je vous
confesse que cela me donne quelque souci, et que, malgre l'abjuration
complete et empressee que j'ai faite de mon amour pour Albert, je serais
un peu piquee de le voir vous regarder avec interet. Que voulez-vous?
c'est le seul homme qui soit ici, et jusqu'ici j'y etais la seule femme.
Maintenant nous sommes deux, et nous aurons maille a partir si vous
m'effacez trop.
--Vous aimez a railler, repondit Consuelo; ce n'est pas genereux de
votre part. Mais voulez-vous bien laisser le chapitre des mechancetes,
et me dire ce que j'ai d'extraordinaire? C'est peut-etre ma laideur qui
est tout a fait revenue. Il me semble qu'en effet cela doit etre.
--Je vous dirai la verite, Nina. Au premier coup d'oeil que j'ai jete
sur vous ce matin, votre paleur, vos grands yeux a demi clos et plutot
fixes qu'endormis, votre bras maigre hors du lit, m'ont donne un moment
de triomphe. Et puis, en vous regardant toujours, j'ai ete comme
effrayee de votre immobilite et de votre attitude vraiment royale. Votre
bras est celui d'une reine, je le soutiens, et votre calme a quelque
chose de dominateur et d'ecrasant dont je ne peux pas me rendre compte.
Voila que je me prends a vous trouver horriblement belle, et cependant
il y a de la douceur dans votre regard. Dites-moi donc quelle personne
vous etes. Vous m'attirez et vous m'intimidez: je suis toute honteuse
des folies que je vous ai racontees de moi cette nuit. Vous ne m'avez
encore rien dit de vous; et cependant vous savez a peu pres tous mes
defauts.
--Si j'ai l'air d'une reine, ce dont je ne me serais guere doutee,
repondit Consuelo avec un triste sourire, ce doit etre l'air piteux
d'une reine detronee. Quant a ma beaute, elle m'a toujours paru
tres-contestable; et quant a l'opinion que j'ai de vous, chere baronne
Amelie, elle est toute en faveur de votre franchise et de votre bonte.
--Pour franche, je le suis; mais vous, Nina, l'etes-vous? Oui, vous avez
un air de grandeur et de loyaute. Mais etes-vous expansive? Je ne le
crois pas.
--Ce n'est pas a moi de l'etre la premiere, convenez-en. C'est a vous,
protectrice et maitresse, de ma destinee en ce moment, de me faire les
avances.
--Vous avez raison. Mais votre grand sens me fait peur. Si je vous
parais ecervelee, vous ne me precherez pas trop, n'est-ce pas?
--Je n'en ai le droit en
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