ailleurs: depuis
l'epoque ou elle etait venue, elle n'avait guere quitte la rue de la
Hache. Enfin, elle se trouva completement egaree.
Par moments, elle entrevoyait des ombres qui se mouvaient autour d'elle.
Elle entendait des chuchotements. Peut-etre l'homme qui la suivait
parlait-il a ces gens... Peut-etre... car, a diverses reprises, les
ombres, qui avaient paru vouloir l'arreter, s'ecarterent.
Alors elle frissonnait de terreur et hatait le pas...
"Insensee que j'ai ete! grondait-elle, de quitter la maison avant le
jour, puisque Alice ne doit plus y revenir!... Oui, mais si la reine
m'avait menti!... Si elle etait revenue!..."
Et ses doigts s'incrustaient sur la sacoche.
A un moment, elle s'arreta haletante: elle se trouvait dans une rue
etroite et venait d'apercevoir un peu de lumiere filtrant entre les
jointures d'une porte.
Un large eclair dechira l'obscurite, inonda la rue d'une lumiere
livide. Et, a cette lueur, Laura entrevit une enseigne qui se balancait
au-dessus de la porte en grincant au vent.
L'enseigne representait deux Maures attables, buvant et causant.
"C'est une auberge!" gronda-t-elle.
Et elle s'elanca vers la porte.
A cet instant, elle se sentit saisie par deux bras vigoureux et
renversee sur la chaussee, tandis qu'une main rude s'appuyait sur sa
bouche pour l'empecher de crier.
Laura etait vigoureuse. Elle se raidit dans un desespoir furieux.
--Diable! diable! grommela une voix avinee, on fait la mechante! A bas
les pattes! En voila une enragee!...
La vieille mordit la main qui s'appuyait sur sa bouche; cette main se
retira; Laura se mit a hurler:
--A moi! Au guet! Au meurtre!
Le dernier cri s'etrangla dans sa gorge; la main qui s'etait retiree
de sa bouche venait de s'incruster sur son cou, les doigts s'y
enfoncaient... et cette tenaille serrait d'un mouvement lent, d'une
pression savante...
Laura se debattit quelques instants encore.
Et, tout a coup, la vieille espionne se tint immobile, sa tete roula sur
son epaule, ses ongles s'implanterent dans la boue de la chaussee.
Elle etait morte.
Le truand la palpa, la retourna en grommelant.
Lorsque le truand eut trouve la sacoche, il la soupesa, et un sourire de
satisfaction balafra son visage, comme les eclairs balafraient le ciel
noir.
Alors il saisit la vieille, la rangea proprement le long d'un mur.
"La! grogna-t-il, me voila en paix. Ah! ah! en voila une qui ne parlera
plus jamais!"
Pourtant,
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