ue prochainement je pourrai te rembourser. J'ai des valeurs dont
la negociation est en ce moment difficile, mais qui a un moment donne
redeviendront ce qu'elles sont en realite, excellentes; je te les
montrerai et tu verras que je ne me trompe pas. J'accepte aussi ce
cadeau, parce que c'est le premier que tu me fais, parce que ce serait
te peiner que de le refuser, et enfin parce qu'il marquera une date
dans notre vie. Mais, quant aux choses d'interet, je veux qu'il n'en
soit jamais question entre nous.
--Cependant....
--Tu veux dire que c'est une grande joie de donner, et qu'il n'y en a
pas de plus douce que de partager ce qu'on a avec ceux qu'on aime. Cela
est vrai et je le crois. Pourtant il faudra que tu renonces a cette
joie, et j'aurai le chagrin de t'en priver. C'est la une fatalite de ma
position. N'oublie pas que je suis Cara. N'oublie pas la reputation qui
m'a ete faite. On a cru que j'etais avide, et bien que je n'aie par rien
justifie une pareille reputation, elle s'est repandue dans Paris, ou
elle s'est solidement etablie, parait-il.
--Qu'importe, si je sais qu'elle n'est pas fondee!
--Cela importe peu en effet, au moins pour le moment. Mais, du jour ou
tu pourrais douter de mon desinteressement, cela importerait beaucoup.
Je ne veux pas qu'entre nous il puisse s'elever l'ombre meme d'un
soupcon, et ce soupcon pourrait naitre si tu n'avais pas la preuve que
je ne suis pas une femme d'argent. Quelle meilleure preuve que celle que
tu te donneras toi-meme en te disant: "Elle n'a jamais voulu accepter un
sou de moi?" Que deviendrais-je, mon Dieu, si tu croyais jamais que je
t'aime par interet?
--Ne crains point cela.
--Je sais bien qu'il est encore une autre preuve que tu pourrais te
donner si le doute effleurait ton esprit: c'est que, si j'avais ete une
femme avide, si j'avais ete inspiree par l'interet dans le choix de mon
amant, je n'aurais pas ete assez maladroite ni assez mal avisee pour te
prendre.
Disant cela, elle l'avait regarde a la derobee, mais il n'avait pas
bronche.
Alors elle avait continue de facon a preciser ce qu'elle voulait dire:
--Cela t'etonne, n'est-ce pas, de m'entendre parler ainsi d'un homme tel
que toi, et cependant, si tu veux reflechir, tu sentiras combien mes
paroles sont raisonnables. Si ton pere est riche, il l'est d'une bonne
petite fortune bourgeoise qui n'a rien a voir avec le grand luxe; et
puis il connait le prix de l'argent; c'est un commercant, et il ne
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