ne partageat plus souvent les
repas de ses parents, son couvert etait mis chaque jour comme si on
l'attendait surement, et c'etait avec cette place vide devant les yeux
que son pere et sa mere avaient le chagrin de diner presque chaque soir
on tete-a-tete; moins tristes encore cependant quand ils etaient seuls
que lorsqu'ayant des invites, ils etaient obliges d'excuser leur fils
empeche, "qui ventait de les prevenir qu'a son grand regret, il lui
etait impossible de diner avec eux ce soir-la."
Madame Haupois-Daguillon laissa son mari diner, mais pour elle il lui
fut impossible d'avaler un morceau de viande. Ce ne fut qu'apres le
depart du valet de chambre qui les servait et les portes closes qu'elle
prit dans sa poche le billet de Leon et le tendit a son mari:
--Voici un billet qu'on a presente tantot et que j'ai paye, dit-elle.
--Leon! dix mille francs, s'ecria-t-il, et tu as paye!
--Fallait-il laisser en souffrance la signature Haupois-Daguillon!
Dix mille francs n'etaient pas une somme pour eux; mais combien de
billets de dix mille francs avaient-ils ete deja signes par Leon? La
etait la question. Sans doute il y avait un moyen tout naturel de la
resoudre: c'etait d'interroger Leon. Mais, apres ce qui s'etait passe a
propos de Madeleine, ils avaient peur l'un et l'autre de provoquer une
explication qui pourrait aller trop loin: ce qu'ils voulaient, ce
n'etait pas pousser Leon a une rupture, loin de la; c'etait tout au
contraire le ramener a la maison paternelle. Il fallait donc proceder
avec prudence et avec douceur; interroger Leon, obtenir de lui une
confession par l'amitie plutot que par la severite, et n'agir ensuite
energiquement que si l'energie etait commandee par les circonstances.
Mais ce fut en vain qu'ils attendirent leur fils! pendant trois jours,
il ne rentra pas, et M. Joseph, dont les fonctions etaient maintenant
une sinecure, declara qu'avant de sortir "monsieur ne lui avait rien
dit."
Que faire? ils ne pouvaient pas cependant lui ecrire chez cette femme:
ils n'avaient qu'a attendre son retour.
Mais en attendant ainsi ils recurent une nouvelle qui modifia leurs
sentiments: un banquier avec qui la maison etait en relations ecrivit a
Haupois-Daguillon qu'on lui avait demande d'escompter trois billets de
10,000 fr. chacun, signes "Haupois-Daguillon", et qu'avant de les
accepter ou de les refuser definitivement il se croyait oblige de l'en
prevenir.
M. Haupois-Daguillon courut chez ce ba
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