s en briques vernies, defier les fatigues du
travail et des annees. Alors que les premiers batiments se
tassaient sur un terrain etroitement mesure autour de la vieille
fabrique, les nouveaux s'etaient largement espaces dans les
prairies environnantes, relies entre eux par des rails de chemin
de fer, des arbres de transmission et tout un reseau de fils,
electriques, qui couvraient l'usine entiere d'un immense filet.
Longtemps elle resta perdue dans le dedale de ces rues, allant des
puissantes cheminees, hautes et larges, aux paratonnerres qui
herissaient les toits, aux mats electriques, aux wagons de chemin
de fer, aux depots de charbon, tachant de se representer par
l'imagination ce que pouvait etre la vie de cette petite ville
morte en ce moment, lorsque tout cela chauffait, fumait, marchait,
tournait, ronflait avec ces bruits formidables qu'elle avait
entendus dans la plaine Saint-Denis, en quittant Paris.
Puis ses yeux descendant au village, elle vit qu'il avait suivi le
meme developpement que l'usine: les vieux toits couverts de sedum
en fleurs qui leur faisaient des chapes d'or, s'etaient tasses
autour de l'eglise; les nouveaux qui gardaient encore la teinte
rouge de la tuile sortie depuis peu du four, s'etaient eparpilles
dans la vallee au milieu des prairies et des arbres en suivant le
cours de la riviere; mais, contrairement a ce qui se voyait dans
l'usine, c'etait les vieilles maisons qui faisaient bonne figure,
avec l'apparence de la solidite, et les neuves qui paraissaient
miserables, comme si les paysans qui habitaient autrefois le
village agricole de Maraucourt, etaient alors plus a leur aise que
ne l'etaient maintenant ceux de l'industrie.
Parmi ces anciennes maisons une dominait les autres par son
importance, et s'en distinguait encore par le jardin plante de
grands arbres qui l'entourait, descendant en deux terrasses
garnies d'espaliers jusqu'a la riviere ou il aboutissait a un
lavoir. Celle-la, elle la reconnut: c'etait celle que M. Vulfran
avait occupee en s'etablissant a Maraucourt, et qu'il n'avait
quittee que pour habiter son chateau. Que d'heures son pere,
enfant, avait passees sous ce lavoir aux jours des lessives, et
dont il avait garde le souvenir pour avoir entendu la, dans le
caquetage des lavandieres, les longs recits des legendes du pays,
qu'il avait plus tard racontes a sa fille: la _Fee des
tourbieres_, l'_Enlisage des Anglais_, le _Leuwarou d'Hangest_, et
dix autres qu'elle se ra
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