oire des ouvriers, deteste de tous
autant que craint, mais avec des reticences, des reserves, des
precautions, des hypocrisies qui disaient quelle peur on avait de
lui. Toutes les observations se terminaient par le meme mot ou a
peu pres:
"N'empeche que ce soit ein ben brav' homme!
-- Et juste donc!
-- Oh! pour ca!"
Mais tout de suite une autre ajoutait:
"N'empeche aussi..."
Alors les preuves etaient donnees de facon a montrer cette bonte
et cette justice.
"S'il ne fallait point gagner son pain!"
Peu a peu les langues se ralentirent.
"Si on dormait, dit une voix alanguie.
-- Qui t'en empeche?
-- La Noyelle n'est pas rentree.
-- Je viens de la voir.
-- Ca y est-il?
-- En plein.
-- Assez pour qu'elle ne puisse pas monter l'escalier?
-- Ca je ne sais pas.
-- Si on fermait la porte a la cheville?
-- Et le tapage qu'elle ferait.
-- Ca va recommencer comme l'autre dimanche.
-- Peut-etre pire encore."
A ce moment on entendit un bruit de pas lourds et hesitants dans
l'escalier.
"La voila."
Mais les pas s'arreterent et il y eut une chute suivie de
gemissements.
"Elle est tombee.
---Si elle pouvait ne pas se relever.
-- Elle dormirait aussi ben dans l'escalier qu'ici.
-- Et nous dormirions mieux."
Les gemissements continuaient meles d'appels.
"Viens donc, Laide: un p'tit coup de main, m'n'efant.
-- Plus souvent que je vas y aller.
-- Ohe! Laide, Laide!"
Mais Laide n'ayant pas bouge, au bout d'un certain temps les
appels cesserent.
"Elle s'endort.
-- Quelle chance."
Elle ne s'endormait pas du tout; au contraire, elle essayait a
nouveau de monter l'escalier, et elle criait:
"Laide, viens me donner la main, m'n'efant, Laide, Laide."
Elle n'avancait pas evidemment, car les appels partaient toujours
du bas de l'escalier de plus en plus pressants a chaque cri, si
bien qu'ils finirent par s'accompagner de larmes:
"Ma p'tite Laide, ma p'tite Laide, p'tite, p'tite; l'escalier
s'enfonce, oh! la! la!"
Un eclat de rire courut de lit en lit.
"C'est-y que t'es pas rentree, Laide, dis, dis Laide, dis; je vas
aller te qu'ri.
-- Nous v'la tranquilles, dit une voix.
-- Mais non, elle va chercher Laide qu'elle ne trouvera pas, et
quand elle reviendra dans une heure, ca recommencera.
-- On ne dormira donc jamais!
-- Va lui donner la main, Laide.
-- Vas-y, te.
-- C'est te qu'e veut."
Laide se decida, passa un jupon et descendit.
"O
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