des
gouttes de sang tombaient de sa main blessee sur le plancher.
Mais, verification faite, il se trouva qu'elle n'avait que deux
doigts blesses, et peut-etre meme un seul ecrase ou fortement
meurtri.
Alors la Quille, qui avait eu un premier mouvement de compassion,
entra en fureur et bouscula les camarades qui entouraient Rosalie.
"Allez-vous me fiche le camp? Vla-t-il pas une affaire!
-- C'etait peut-etre pas une affaire quand vous avez eu la quille
ecrasee", murmura une voix.
Il chercha qui avait ose lacher cette reflexion irrespectueuse,
mais il lui fut impossible de trouver une certitude dans le tas.
Alors il n'en cria que plus fort:
"Fichez-moi le camp!"
Lentement on se separa, et Perrine comme les autres allait
retourner a son wagonet quand la Quille l'appela:
"He", la nouvelle arrivee, viens ici, toi, plus vite que ca."
Elle revint craintivement, se demandant en quoi elle etait plus
coupable que toutes celles qui avaient abandonne leur travail;
mais il ne s'agissait pas de la punir.
"Tu vas conduire cette bete-la chez le directeur, dit-il.
-- Pourquoi que vous m'appelez bete? cria Rosalie, car deja le
tapage des machines avait recommence.
-- Pour t'etre fait prendre la patte, donc.
-- C'est-y ma faute?
-- Bien sur que c'est ta faute, maladroite, feignante..."
Cependant il s'adoucit: "As-tu mal?
-- Pas trop.
-- Alors file."
Elles sortirent toutes les deux, Rosalie tenant sa main blessee,
la gauche, dans sa main droite.
"Voulez-vous vous appuyer sur moi? demanda Perrine.
-- Merci bien; ce n'est pas la peine, je peux marcher.
-- Alors cela ne sera rien, n'est-ce pas?
-- On ne sait pas; ce n'est jamais le premier jour qu'on souffre,
c'est plus tard.
-- Comment cela vous est-il arrive?
-- Je n'y comprends rien; j'ai glisse.
-- Vous etes peut-etre fatiguee, dit Perrine pensant a elle-meme.
-- C'est toujours quand on est fatigue qu'on s'estropie; le matin
on est plus souple et on fait attention. Qu'est-ce que va dira
tante Zenobie?
-- Puisque ce n'est pas votre faute.
-- Mere Francoise croira bien que ce n'est pas ma faute, mais
tante Zenobie dira que c'est pour ne pas travailler.
-- Vous la laisserez dire.
-- Si vous croyez que c'est amusant d'entendre dire."
Sur leur chemin les ouvriers qui les rencontraient les arretaient
pour les interroger: les uns plaignaient Rosalie; le plus grand
nombre l'ecoutaient indifferemment, en gens qui sont habit
|