ois arrive, il
avait le temps d'attendre. Soit qu'il fut sincere, soit qu'il voulut les
tromper, ce qui est possible, et leur persuader qu'il ne portait pas son
ambition au-dela d'une place au directoire, il les sonda et les trouva
intraitables sous le rapport de l'age. Une dispense, quoique donnee
par les conseils, leur paraissait une infraction a la constitution. Il
fallut renoncer a cette idee.
Les deux directeurs Gohier et Moulins, commencant a s'inquieter
de l'ardeur que Bonaparte montrait pour les fonctions politiques,
imaginerent de l'eloigner, en lui donnant le commandement d'une armee.
Sieyes ne fut pas de cet avis, et dit avec humeur que, loin de lui
fournir l'occasion d'une gloire nouvelle, il fallait, au contraire,
l'oublier et le faire oublier. Comme on parlait de l'envoyer en Italie,
Barras dit qu'il y avait assez bien fait ses affaires pour n'avoir
pas envie d'y retourner. Enfin il fut decide qu'on l'appellerait pour
l'inviter a prendre un commandement, en lui laissant le choix de l'armee
a commander.
Bonaparte, mande, se rendit au directoire. Il connaissait le propos de
Barras. Avant qu'on lui eut notifie l'objet pour lequel on l'appelait,
il prit la parole d'un ton haut et menacant, cita le propos dont il
avait a se plaindre, et, regardant Barras, dit que s'il avait fait
sa fortune en Italie, ce n'etait pas, du moins, aux depens de la
republique. Barras se tut. Le president Gohier repondit a Bonaparte que
le gouvernement etait persuade que ses lauriers etaient la seule fortune
qu'il eut rapportee d'Italie. Il lui dit ensuite que le directoire
l'invitait a prendre un commandement, et lui laissait d'ailleurs le
choix de l'armee. Bonaparte repondit froidement qu'il n'etait pas encore
assez repose de ses fatigues, que la transition d'un climat sec a un
climat humide l'avait fortement eprouve, et qu'il lui fallait encore
quelque temps pour se remettre. Il se retira sans plus d'explication.
Un pareil fait devait avertir les directeurs de ses vues, et l'avertir
lui-meme de leurs defiances.
C'etait un motif de se hater: ses freres, ses conseillers habituels,
Roederer, Real, Regnault de Saint-Jean-d'Angely, Bruix, Talleyrand, lui
amenaient tous les jours des membres du parti modere et politique dans
les conseils. C'etaient, dans les cinq-cents, Boulay (de la Meurthe),
Gaudin, Chazal, Cabanis, Chenier; dans les anciens, Cornudet, Lemercier,
Fargues, Daunou. Leur avis a tous etait qu'il fallait s'allier au
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