al, n'importe.
La seance des deux conseils s'ouvrit a deux heures. Dans les anciens,
des reclamations s'eleverent de la part des membres qui n'avaient pas
ete convoques la veille pour assister a la discussion sur le decret de
translation. Ces reclamations furent ecartees, puis on s'occupa d'une
notification aux cinq-cents, pour leur apprendre que le conseil etait en
majorite, et pret a deliberer. Aux cinq-cents, la deliberation commenca
autrement. Le depute Gaudin, qui avait mission de Sieyes et de Bonaparte
d'ouvrir la discussion, parla d'abord des dangers que courait la
republique, et proposa deux choses: premierement de remercier les
anciens d'avoir transfere le corps legislatif a Saint-Cloud, et
secondement de former une commission chargee de faire un rapport sur les
dangers de la republique, et sur les moyens de pourvoir a ces dangers.
Si cette proposition avait ete adoptee, on avait un rapport tout
prepare, et on eut propose le consulat provisoire et l'ajournement.
Mais a peine le depute Gaudin a-t-il acheve de parler, qu'un orage
epouvantable eclate dans l'assemblee. Des cris violens retentissent; on
entend de toutes parts: "A bas les dictateurs, point de dictature, vive
la constitution!--La constitution ou la mort! s'ecrie Delbrel.... Les
baionnettes ne nous effraient pas, nous sommes libres ici." Ces paroles
sont suivies de nouveaux cris. Quelques deputes furieux repetent
en regardant le president Lucien: "Point de dictature, a bas les
dictateurs!" A ces cris insultans, Lucien prend la parole. "Je sens
trop, dit-il, la dignite de president pour souffrir plus long-temps les
menaces insolentes de certains orateurs; je les rappelle a l'ordre."
Cette injonction ne les calme pas, et les rend plus furieux. Apres une
longue agitation, le depute Grandmaison propose de preter serment a la
constitution de l'an III. La proposition est aussitot accueillie. On
demande de plus l'appel nominal. L'appel nominal est aussi adopte.
Chaque depute vient a son tour preter serment a la tribune, aux cris et
aux applaudissemens de tous les assistans. Lucien est oblige lui-meme de
quitter le fauteuil, pour preter le serment qui ruine les projets de son
frere.
Les evenemens prenaient une tournure dangereuse. Au lieu de nommer une
commission pour ecouter des projets de reforme, les cinq-cents pretaient
un serment de maintenir ce qui existait, et les anciens ebranles etaient
prets a reculer. C'etait une revolution manquee. Le danger eta
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