ernement. La
masse entiere de la population voulait a tout prix du repos, de l'ordre,
la fin des disputes, l'unite des volontes. Elle avait peur des jacobins,
des emigres, des chouans, de tous les partis. C'etait le moment d'une
merveilleuse fortune pour celui qui calmerait toutes ces peurs.
Les depeches contenant le recit de l'expedition de Syrie, des batailles
du mont Thabor et d'Aboukir, produisirent un effet extraordinaire,
et confirmerent cette idee que le heros de Castiglione et de Rivoli
resterait vainqueur partout ou il se montrerait. Son nom se retrouva
aussitot dans toutes les bouches, et la question _que fait-il_?
_quand vient-il_? se renouvela de toutes parts. S'il allait revenir!
disait-on... Par un instinct singulier, le bruit qu'il etait arrive
courut deux ou trois fois. Ses freres lui avaient ecrit, sa femme aussi;
mais on ignorait si ces depeches lui etaient parvenues. On a vu en effet
qu'elles n'avaient pu traverser les croisieres anglaises.
Pendant ce temps, cet homme, objet de voeux si singuliers, voguait
tranquillement sur les mers, au milieu des flottes anglaises.
La traversee n'etait pas heureuse, et les vents contraires la
prolongeaient. Plusieurs fois on avait vu les Anglais, et on avait
craint de devenir leur proie. Lui seul, se promenant sur le pont de
son vaisseau avec un air calme et serein, se confiant a son etoile,
apprenait a y croire et a ne pas s'agiter pour des perils inevitables.
Il lisait la Bible et le Koran, oeuvres des peuples qu'il venait de
quitter. Craignant, d'apres les derniers evenemens, que le midi de la
France ne fut envahi, il avait fait gouverner, non vers les cotes
de Provence, mais vers celles du Languedoc. Il voulait debarquer a
Collioure ou a Port-Vendres. Un coup de vent l'avait ramene vers la
Corse. L'ile entiere etait accourue au-devant du celebre compatriote. On
avait ensuite fait voile vers Toulon. On allait arriver, lorsque tout
a coup, au coucher du soleil, on vit sur le flanc gauche du vaisseau,
trente voiles ennemies: on les voyait au milieu des rayons du soleil
couchant. On proposait de mettre un canot a la mer pour aborder
furtivement a terre. Se confiant toujours dans le destin, Bonaparte
dit qu'il fallait attendre. L'ennemi, en effet, disparut, et le 17
vendemiaire an VIII (octobre 1799), a la pointe du jour, les fregates
_le Muiron_ et _la Carrere_, les chebecks _la_ _Revanche_ et _la
Fortune_, vinrent mouiller dans le golfe de Frejus.
Les habitan
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