recherche du scandale aidant, il n'est pas jusqu'a des rencontres de
noms, fatales dans le roman moderne, des indications de rues, des
numeros de maisons, choisit au hasard, qui n'aient servi a donner une
sorte d'identite a des etres batis de mille pieces et en definitive
absolument imaginaires.
L'auteur a trop de modestie pour prendre tout ce bruit a son compte. Il
sait la part qu'ont eue dans cela les indiscretions amicales ou perfides
des journaux; et, sans remercier les uns plus qu'il ne convient, sans en
vouloir aux autres outre mesure, il se resigne a sa tapageuse aventure
comme a une chose inevitable et tient seulement a honneur d'affirmer,
sur vingt ans de travail et de probite litteraires, que cette fois,
pas plus que les autres, il n'avait cherche cet element de succes. En
feuilletant ses souvenirs, ce qui est le droit et le devoir de tout
romancier, il s'est rappele un singulier episode du Paris cosmopolite
d'il y a quinze ans. Le romanesque d'une existence eblouissante et
rapide, traversant en meteore le ciel parisien, a evidemment servi
de cadre au_ Nabab, _a cette peinture des moeurs de la fin du second
empire. Mais autour d'une situation, d'aventures connues, que chacun
etait en droit d'etudier et de rappeler, quelle fantaisie repandue,
que d'inventions, que de broderies, surtout quelle depense de cette
observation continuelle, eparse, presque inconsciente, sans laquelle il
ne saurait y avoir d'ecrivains d'imagination. D'ailleurs, pour se rendre
compte du travail "cristallisant" qui transporte du reel a la fiction,
de la vie au roman, les circonstances les plus simples, il suffirait
d'ouvrir le_ Moniteur Officiel _de fevrier 1864 et de comparer certaine
seance du corps legislatif au tableau que j'en donne dans mon livre. Qui
aurait pu supposer qu'apres tant d'annees ecoulees ce Paris a la courte
memoire saurait reconnaitre le modele primitif dans l'idealisation que
le romancier en a faite et qu'il s'eleverait des voix pour accuser
d'ingratitude celui qui ne fut point certes "le commensal assidu" de son
heros, mais seulement, dans leurs rares rencontres, un curieux en qui la
verite se photographie rapidement et qui ne peut jamais effacer de son
souvenir les images une fois fixees?
J'ai connu le "Vrai Nabab" en 1864, j'occupais alors une position
semi-officielle qui m'obligeait a mettre une grande reserve dans mes
visites a ce fastueux et accueillant Levantin. Plus tard je fus lie avec
un de ses freres;
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