dont on ne sait
que la brillante preface, comme Fontanes se flattait de l'achevement
de _la Grece sauvee_; mais, avec une imagination trop vive chez un
philosophe, Garat n'etait pas poete, et l'avantage incomparable de
Fontanes, pour la duree, consiste en ce point precis: il lui suffit de
quelques pieces qu'on sait par coeur pour sauver son nom.
A leur date, _la Chartreuse_ et _le Jour des Morts_, deja un peu passes,
mais a maintenir dans la suite des tons et des nuances de la poesie
francaise; sans date, et de tous les instants, les _Stances a une jeune
Anglaise_, l'ode a une _jeune Beaute_, ou celle du _Buste de Venus_; en
un mot, le flacon scelle qui contient la goutte d'essence; voila ce
qui surnage, c'est assez. Les metaphysiciens echoues n'ont pas de ces
debris-la.
Dans les premiers temps de son sejour a Paris, Fontanes travailla
beaucoup, et il concut, ebaucha ou meme executa des lors presque
tous les ouvrages poetiques qu'il n'a publies que plus tard et
successivement. Un vers de la premiere _Foret de Navarre_ nous apprend
qu'il avait deja traduit a ce moment (1779) l'_Essai sur l'Homme_
de Pope, qui ne parut qu'en 1783. Une elegie de Flins, dediee a
Fontanes[101], nous le montre, en 1782, comme ayant termine deja son
poeme de _l'Astronomie_, qui ne fut publie qu'en 1788 ou 89, et comme
poursuivant un poeme en six chants sur _la Nature_, qui ne devait point
s'achever. _La Chartreuse_ paraissait en 1783, et on citait presque dans
le meme temps _le Jour des Morts_, encore inedit, d'apres les lectures
qu'en faisait le poete. Ainsi, en ces courtes annees, les oeuvres se
pressent. Tous les temoignages d'alors, les articles du _Mercure_, une
epitre de Parny a Fontanes[102], nous montrent celui-ci dans la situation
a part que lui avaient faite ses debuts, c'est-a-dire comme cultivant
la grande poesie et aspirant a la gloire severe. Mais bientot la vie
de Paris et du XVIIIe siecle, la vie de monde et de plaisir le prit et
insensiblement le dissipa. Il voyait beaucoup les gens de lettres a la
mode, Barthe, Rivarol; il dinait chaque semaine chez le chevalier de
Langeac, son ami (encore aujourd'hui vivant), qui les reunissait. Et
qui ne voyait-il pas, qui n'a-t-il pas connu au temps de cette jeunesse
liante, de d'Alembert a Linguet, de Berquin a Mercier, de Florian a
Retif; tous les etages de la litterature et de la vie? Par moments, soit
inquietude d'ame reveuse et reprise de poesie, soit blessure de coeur,
soit nece
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