--Par ici!
Et l'on me prit la main pour guider mes pas incoherents.
Cependant, je commencai doucement a me rendre compte des etres a la
faible lueur d'un minuscule lampion dont le timide eclat etait encore
tamise par l'epaisseur d'un verre rouge.
En ce moment, ce que je ressentais ... ou plutot ce que je sentais ...
c'etait l'odeur troublante de ces pastilles du serail que mon invisible
interlocutrice avait probablement fait venir de Rivoli-Arcade!
Apres m'etre excuse d'arriver en retard ... histoire de dire quelque
chose, car j'etais en avance ... je demandai ce qui pouvait me valoir le
plaisir....
C'est egal, a ce moment je devais etre bien drole, car je parlais au
hasard, ignorant si on etait devant ou derriere moi.
--Mon Dieu, me dit d'une voix faible ma mysterieuse inconnue, je vous
prie tout d'abord d'excuser la hardiesse de ma demarche, mais je voulais
vous voir d'abord pour vous dire quel plaisir ... (ici les compliments
d'usage) et ensuite pour vous avouer combien je pense a vous.
--Mon Dieu, madame!
L'obscurite absolue qui nous entourait me permettait de rougir a mon
aise.
--Oui, je tenais a vous parler moi-meme, car une lettre, helas! ne vous
aurait pas dit ... (la un soupir gros de promesses).
--Que votre vie est agreable, reprit-elle soudain, vous allez de fetes
en fetes, les invitations vous arrivent par douzaines, partout on vous
desire, on vous choie, rien n'est trop beau pour vous. Oh! etre artiste!
quel reve!
--Je ne vois pas encore, madame....
--Et les femmes, me dit-elle tout a coup en me saisissant les mains. Ah!
les femmes! combien seraient heureuses d'etre la preferee; mais vous
allez voltigeant de la blonde a la brune, sans vous soucier, petits
libertins, des blessures cruelles que vous avez pu faire.
--Oui, mais dans tout cela....
--Vous en connaissez beaucoup, n'est-ce pas de ces belles jeunes filles,
de ces petites actrices si Parisiennes, si coquettes qui peuplent vos
coulisses?
--Mais oui....
--Et appele dans le monde, comme vous l'etes tous les soirs, vous
coudoyez des marquises du noble faubourg, vous voyez la des femmes du
meilleur monde, j'en suis sure?
--Assurement, mais ...
--Eh bien, j'ai pense que vous pourriez m'etre utile, en priant toutes
ces aimables et jolies femmes que vous frequentez, de s'adresser a moi
pour tout ce qui regarde la parfumerie. Je tiens a leur disposition:
savons dulcifiants, creme onctueuse, poudres de riz, vinaigre
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