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comedie: peu lui importait pourvu qu'il jouat!
Britannicus ou Crispin, son choix n'etait pas fixe.
Ayant lu qu'en 1830, les romantiques se laissaient pousser les cheveux,
Isidore n'avait rien a envier a Clodion ou a Monsieur de Lapommeraye. Sa
toison etait telle qu'oblige de la natter, il l'enfouissait sous son
chapeau crasseux.
Cette nature bizarre avait empoigne le createur d'Annibal, qui le prit
dans sa classe et s'y interessa un moment.
--Que savez-vous? lui dit tout d'abord Regnier.
--Je sais _Oreste_, repond Isidore en se cambrant.
--Ah! Eh bien, montez sur l'estrade et dites nous Oreste.
* * * * *
La scene jouee, le jeune ephebe regarde, anxieux, la figure du maitre,
pour voir l'effet produit:
--C'est bien, dit celui-ci, vous apprendrez ... Scapin!
Inutile d'ajouter quels eclats de rire, saluerent cette replique!
* * * * *
Ce satane Isidore avait la rage de vouloir etre vrai.
--Jouer vrai, il n'y a que ca! repetait-il a satiete.
Il est evident que l'acteur ne saurait fouiller trop minutieusement son
role et en creuser les details, jusque dans les plus petits recoins,
mais enfin, il ne faut absolument pas aux depens du "mouvement," se
perdre dans des details bien souvent subtils; car alors on en arrive a
faire comme ce malheureux Isidore, quand il jouait les _Folies
amoureuses_.
Vous vous rappelez sans doute, lecteurs, les vers que Regnard met dans
la bouche de Crispin:
Quand on veut, voyez-vous, qu'un siege reussisse,
Il faut premierement s'emparer des dehors;
Connaitre les endroits, les faibles et les forts.
Quand on est bien instruit de tout ce qui se passe,
On ouvre la tranchee,
(Ici, Isidore faisait le geste d'ouvrir avec une clef imaginaire).
On canonne la place,
(Boum! Boum!! Boum!!! tonnait le comedien).
On renverse un rempart,
(Parapatapouf).
On fait breche.
(Tschb!).
Aussitot on avance en bon ordre.
(Il marchait comme un soldat dans les rangs).
Et l'on donne l'assaut,
On egorge, on massacre, on tue, on vole, on pille....
Non; je renonce a decrire la pantomime fatigante a laquelle se livra
l'eleve; a ce passage, il sautait hurlait, poignardait l'espace, donnait
des coups de baionnette dans le vide, et tout ca, accompagne de pif,
paf, pouf, pan, ra, ta, pa, ta, pan, pan, tzing, pft! pft! pan!
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