viner l'existence de ce ... cette reunion ... qui, a
l'encontre des etablissements cites plus haut, dedaigne les
affiches-reclames, les voitures-annonces, et tout ce qui peut appeler
sur elle l'attention publique. Au lieu de rechercher le bruit et la
renommee, ce ... cette societe ecarte avec soin tout ce qui pourrait
renseigner sur son ... fonctionnement! Vous ne comprenez, peut-etre, pas
tres bien; n'est-pas? Cela ne m'etonne pas: comment, en effet, ne pas
rester stupefait a l'idee seule, d'acteurs evitant la presse, de
musiciens insensibles a la vue d'un auditoire nombreux?
Voulez-vous que j'augmente encore votre surprise? Les soirees en
question ne sont ni mensuelles, ni hebdomadaires ni quotidiennes; elles
sont ... ou elles ne sont pas, selon le bon plaisir des acteurs ou selon
la temperature, car, s'il pleut, nos chanteurs, ces rossignols en
veston, se calfeutrent dans leur nid tout la-haut, tout la-haut au
cinquieme etage!
--Mais leur directeur ne leur intime donc pas....
Ils n'ont pas de directeur (les veinards), pas de maitre, pas de tyran.
En vrais democrates de l'art, ils sont en republique: seulement c'est
une republique ... artistique, rien de l'autre; autrement dit, ils sont
en societe comme aux Francais ou mieux au Chateau-d'Eau (direction
Bessac and Company). Les trois mots magiques qui flamboient sur nos
monuments: Liberte, egalite, fraternite, sont remplaces chez eux par ces
trois noms mythologiques "Melpomene, Thalie, Euterpe."
Et pour mettre enfin le comble a votre ahurissement, je vous dirai que
nos artistes ne sont pas payes; ils disent, jouent ou chantent _pro ipsa
arte!_
Mais comme je vois vos yeux a moitie sortis de leur orbite, vos cheveux
drus et vos nerfs contractes, je vais faire cesser cet affolement, bien
comprehensible du reste, en vous donnant la clef de l'enigme.
* * * * *
Il y a quelques semaines, par une belle soiree d'automne, comme octobre
nous en reserve quelquefois, je descendais lentement vers huit heures la
rue de la Banque, pensant a mille riens qui portaient mon esprit bien
loin de mes pas et me faisaient oublier mon itineraire, lorsque
j'apercus devant la Bourse un cercle du curieux. Tout d'abord, je n'y
prenais pas garde, sachant que de longue date les financiers,
boursicotiers et badauds desinteresses ont pris la bonne habitude de
stationner des heures durant, en groupes plus ou moins sympathiques,
devant le temple de Plutus.
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