s
foudroyante est certainement la rage du theatre.
Ce genre d'hydrophobie est peut-etre le seul devant lequel la science de
Pasteur resterait impuissante.
Oui, tout individu pique de cette tarentule peut se considerer a bon
droit comme f...lambe, la piqure est venimeuse.
En effet, on a vu des artistes, ayant amasse un petit pecule, renoncer
a l'Art, a ses pompes et a ses oeuvres, autrement dit a ses succes et a
ses vestes, se retirer de cette vie, fievreuse et agitee s'il en fut,
avec le desir bien arrete de bourgeoiser tranquillement, de devenir pot
au feu en diable, et moins de cinq ans apres, remonter sur les planches,
tant le feu sacre qui semblait eteint chez eux etait encore vivace.
Du reste, on n'a qu'a jeter un coup d'oeil sur le passe: combien de
comediens, je parle seulement des grands talents, ont joue tard sur
leurs vieux jours, ne consentant jamais a prendre un repos bien gagne
et, se croyant toujours jeunes, ont affronte gaiement le feu de la
rampe!
La liste en serait longue de ceux qui, enviant l'immortel Moliere,
mourant en scene, en prononcant le fameux _juro_ d'Argan, sont restes
sur la breche en depit de tout et de tous, s'y acharnant toujours et
quand meme.
Malgre ou peut-etre meme a cause des difficultes inouies, des obstacles
insurmontables, des nombreux froissements d'amour-propre et des deboires
sans fin qu'on eprouve dans la carriere dramatique, il se trouve un
nombre considerable de gens qui veulent chausser le cothurne (expression
d'autant plus bizarre, qu'on l'applique souvent a des gens qui n'ont
pas de souliers.)
Ces malheureux assoiffes de gloire, qui ont souvent toutes les
facilites ... pour faire autre chose que du theatre, et auxquels on ne
saurait trop repeter le vers de Boileau:
Soyez plutot macons si c'est votre metier.
menent pour la plupart une existence bien miserable. Ils servent les
trois quarts du temps de souffre-douleur a leurs camarades et on se
demande, en les voyant, s'il faut en rire ou en pleurer.
Pour celui qui va nous occuper, il faut en rire, car, il a pris son
parti en brave et a renonce, pour quelques temps du moins, a la
decevante et trompeuse carriere theatrale, pour une plus lucrative et
plus calme: il s'est fait teinturier.
C'est a present un homme de couleur.
Si vous le voulez bien, nous le nommerons Cameleon: ca nous rappellera
son metier.
Donc, Cameleon sentit un jour chez lui une vocation irresistible pour
l'art dramatique;
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