parle, Monck n'avait pas donne un signe d'approbation ni
d'improbation; a peine meme si, durant cette vehemente allocution,
ses yeux s'etaient animes de ce feu qui indique l'intelligence. Le
comte de La Fere le regarda tristement et, voyant ce visage morne,
sentit le decouragement penetrer jusqu'a son coeur.
Enfin Monck parut s'animer, et, rompant le silence:
-- Monsieur, dit-il d'une voix douce et grave, je vais, pour vous
repondre, me servir de vos propres paroles. A tout autre qu'a
vous, je repondrais par l'expulsion, la prison ou pis encore. Car
enfin, vous me tentez et vous me violentez a la fois. Mais vous
etes un de ces hommes, monsieur, a qui l'on ne peut refuser
l'attention et les egards qu'ils meritent: vous etes un brave
gentilhomme, monsieur, je le dis et je m'y connais. Tout a
l'heure, vous m'avez parle d'un depot que le feu roi transmit pour
son fils: n'etes-vous donc pas un de ces Francais qui, je l'ai oui
dire, ont voulu enlever Charles a White Hall?
-- Oui, milord, c'est moi qui me trouvais sous l'echafaud pendant
l'execution; moi qui, n'ayant pu le racheter, recus sur mon front
le sang du roi martyr; je recus en meme temps la derniere parole
de Charles Ier, c'est a moi qu'il a dit "_Remember_!" et en me
disant "Souviens-toi!" il faisait allusion a cet argent qui est a
vos pieds, milord.
-- J'ai beaucoup entendu parler de vous, monsieur, dit Monck, mais
je suis heureux de vous avoir apprecie tout d'abord par ma propre
inspiration et non par mes souvenirs. Je vous donnerai donc des
explications que je n'ai donnees a personne, et vous apprecierez
quelle distinction je fais entre vous et les personnes qui m'ont
ete envoyees jusqu'ici.
Athos s'inclina, s'appretant a absorber avidement les paroles qui
tombaient une a une de la bouche de Monck, ces paroles rares et
precieuses comme la rosee dans le desert.
-- Vous me parliez, dit Monck, du roi Charles II; mais je vous
prie, monsieur, dites-moi, que m'importe a moi, ce fantome de roi?
J'ai vieilli dans la guerre et dans la politique, qui sont
aujourd'hui liees si etroitement ensemble, que tout homme d'epee
doit combattre en vertu de son droit ou de son ambition, avec un
interet personnel, et non aveuglement derriere un officier, comme
dans les guerres ordinaires. Moi, je ne desire rien peut-etre mais
je crains beaucoup. Dans la guerre aujourd'hui reside la liberte
de l'Angleterre, et peut-etre celle de chaque Anglais. Pourquoi
voulez-vous que, l
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