ibre dans la position que je me suis faite,
j'aille tendre la main aux fers d'un etranger? Charles n'est que
cela pour moi. Il a livre ici des combats qu'il a perdus, c'est
donc un mauvais capitaine; il n'a reussi dans aucune negociation,
c'est donc un mauvais diplomate; il a colporte sa misere dans
toutes les cours de l'Europe, c'est donc un coeur faible et
pusillanime. Rien de noble, rien de grand, rien de fort n'est
sorti encore de ce genie qui aspire a gouverner un des plus grands
royaumes de la terre. Donc, je ne connais ce Charles que sous de
mauvais aspects, et vous voudriez que moi, homme de bon sens,
j'allasse me faire gratuitement l'esclave d'une creature qui m'est
inferieure en capacite militaire, en politique et en dignite? Non,
monsieur; quand quelque grande et noble action m'aura appris a
apprecier Charles, je reconnaitrai peut-etre ses droits a un trone
dont nous avons renverse le pere, parce qu'il manquait des vertus
qui jusqu'ici manquent au fils; mais jusqu'ici, en fait de droits,
je ne reconnais que les miens: la revolution m'a fait general, mon
epee me fera protecteur si je veux. Que Charles se montre, qu'il
se presente, qu'il subisse le concours ouvert au genie, et surtout
qu'il se souvienne qu'il est d'une race a laquelle on demandera
plus qu'a toute autre. Ainsi, monsieur, n'en parlons plus, je ne
refuse ni n'accepte: je me reserve, j'attends.
Athos savait Monck trop bien informe de tout ce qui avait rapport
a Charles II pour pousser plus loin la discussion. Ce n'etait ni
l'heure ni le lieu.
-- Milord, dit-il, je n'ai donc plus qu'a vous remercier.
-- Et de quoi, monsieur? de ce que vous m'avez bien juge et de ce
que j'ai agi d'apres votre jugement? Oh! vraiment, est-ce la
peine? Cet or que vous allez porter au roi Charles va me servir
d'epreuve pour lui: en voyant ce qu'il en saura faire, je prendrai
sans doute une opinion que je n'ai pas.
-- Cependant Votre Honneur ne craint-elle pas de se compromettre
en laissant partir une somme destinee a servir les armes de son
ennemi?
-- Mon ennemi, dites-vous? Eh! monsieur, je n'ai pas d'ennemis,
moi. Je suis au service du Parlement, qui m'ordonne de combattre
le general Lambert et le roi Charles, ses ennemis a lui et non les
miens; je combats donc. Si le Parlement, au contraire, m'ordonnait
de faire pavoiser le port de Londres, de faire assembler les
soldats sur le rivage, de recevoir le roi Charles II...
-- Vous obeiriez? s'ecria Athos ave
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