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offrant du vin et des
aliments qu'il avait refuses, et essayant eternellement de le
rassurer sur la destinee qui l'attendait a la suite de cette
singuliere captivite. Deux pistolets sur la table et son epee nue
rassuraient d'Artagnan sur les indiscretions du dehors.
Une fois a Scheveningen, il avait ete completement rassure. Ses
hommes redoutaient fort tout conflit avec les seigneurs de la
terre. Il avait d'ailleurs interesse a sa cause celui qui lui
servait moralement de lieutenant, et que nous avons vu repondre au
nom de Menneville. Celui-la, n'etant point un esprit vulgaire,
avait plus a risquer que les autres, parce qu'il avait plus de
conscience. Il croyait donc a un avenir au service de d'Artagnan,
et, en consequence, il se fut fait hacher plutot que de violer la
consigne donnee par le chef. Aussi etait-ce a lui qu'une fois
debarque d'Artagnan avait confie la caisse et la respiration du
general. C'etait aussi a lui qu'il avait recommande de faire
apporter la caisse par les sept hommes aussitot qu'il entendrait
le triple coup de sifflet. On voit que ce lieutenant obeit. Le
coffre une fois dans la maison du roi, d'Artagnan congedia ses
hommes avec un gracieux sourire et leur dit:
-- Messieurs, vous avez rendu un grand service a Sa Majeste le roi
Charles II qui, avant six semaines, sera roi d'Angleterre. Votre
gratification sera doublee; retournez m'attendre au bateau.
Sur quoi tous partirent avec des transports de joie qui
epouvanterent le chien lui-meme.
D'Artagnan avait fait apporter le coffre jusque dans l'antichambre
du roi. Il ferma avec le plus grand soin les portes de cette
antichambre; apres quoi, il ouvrit le coffre, et dit au general:
-- Mon general, j'ai mille excuses a vous faire; mes facons n'ont
pas ete dignes d'un homme tel que vous, je le sais bien; mais
j'avais besoin que vous me prissiez pour un patron de barque. Et
puis l'Angleterre est un pays fort incommode pour les transports.
J'espere donc que vous prendrez tout cela en consideration. Mais
ici, mon general, continua d'Artagnan, vous etes libre de vous
lever et de marcher.
Cela dit, il trancha les liens qui attachaient les bras et les
mains du general. Celui-ci se leva et s'assit avec la contenance
d'un homme qui attend la mort.
D'Artagnan ouvrit alors la porte du cabinet de Charles et lui dit:
-- Sire, voici votre ennemi, M. Monck; je m'etais promis de faire
cela pour votre service. C'est fait, ordonnez presentement.
Monsi
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